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Les effets dans le temps des décisions QPC : un droit des conséquences des décisions constitutionnelles

Pascale DEUMIER - Professeur à l'Université Jean Moulin (Lyon 3) Équipe de droit privé

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 47 (dossier : 5 ans de QPC) - avril 2015 - p. 65 à 78

Résumé : Le Conseil a, en cinq ans de pratique de la QPC, construit un véritable droit de l'exécution des décisions dans le temps. Sa principale caractéristique est peut-être qu'il ne procède pas d'un raisonnement déductif à partir de principes transitoires ou de droits garantis mais qu'il repose sur un raisonnement essentiellement conséquentialiste. Or, l'appréciation des conséquences d'une déclaration d'inconstitutionnalité est un exercice d'anticipation d'une redoutable difficulté, étant aussi difficile de se projeter dans un vide juridique que d'évaluer les contentieux potentiellement concernés.


Un droit de l’exécution des décisions constitutionnelles. Les cinq premières années d’application de la QPC n’auront pas seulement enrichi la constitutionnalisation des différentes branches du droit ; elles auront également enrichi le droit constitutionnel lui-même, puisque le Conseil a construit une nouvelle branche du contentieux constitutionnel, particulièrement sophistiquée, pour l’exécution de la décision rendue. Il démontre ainsi sa capacité à assurer de façon rationalisée la remise en conformité du droit français aux droits fondamentaux, évitant des applications/inapplications au gré des invocations contentieuses et des vides juridiques perturbateurs de l’état du droit – bref, il démontre, sur ce point, une supériorité de l’inconstitutionnalité sur les effets moins maîtrisés de l’inconventionnalité(1). Cette construction d’un droit de l’exécution des décisions constitutionnelles s’est faite à mesure des cas, le Conseil, et avec lui la doctrine mais aussi les parties(2), ayant appris à marcher en marchant. Certes, la question n’était pas inconnue. Dans tous les systèmes, les déclarations d’inconstitutionnalité ont pour effet de faire disparaître la norme, ce qui peut être source de perturbations si elle a produit des effets, parfois massivement. La gestion des effets dans le temps des décisions QPC rejoint alors la préoccupation plus générale des conflits de lois dans le temps, celle de la recherche d’un équilibre entre sécurité et progrès, ce dernier étant constitué ici par la disparition de la norme inconstitutionnelle. Il n’est dès lors guère étonnant de retrouver certains principes partagés en matière de succession normative : ainsi, la déclaration d’inconstitutionnalité ne permet pas de revenir sur les décisions définitives(3) ; elle respecte la rétroactivité in mitius en matière pénale(4). Cependant, l’assimilation entre conflits de lois dans le temps et effets dans le temps des décisions QPC ne peut être totale. D’une part, parce que, législateur négatif, le juge constitutionnel gère directement la disparition d’une norme plus que la succession de normes, puisqu’il ne maîtrise pas par principe l’édiction de la norme nouvelle. D’autre part, parce que, juge, il doit avoir un égard particulier pour les justiciables sans lesquels il n’aurait pas été mis en mesure de déclarer une telle inconstitutionnalité.

Un droit en construction. La gestion de cette disparition peut dès lors prendre la forme de l’annulation de la norme, qui entraîne sa disparition rétroactive, ou de l’abrogation de la norme, qui y met fin seulement pour l’avenir. Dans la pratique contentieuse, c’est plutôt une position intermédiaire entre ces deux modèles qui a la faveur des juges constitutionnels, la disparition de la disposition inconstitutionnelle jouant pour l’avenir et pour les instances en cours(5). La QPC ne fait guère exception au modèle. Le choix fait par le constituant est celui de l’abrogation, qui peut être immédiate ou différée à une date ultérieure (art. 62 al. 2). Si ce choix implique en principe l’absence d’effet rétroactif de la disparition de la norme, la Constitution prévoit la possibilité pour le Conseil de préciser les conditions de remise en cause des effets passés, ce qu’il va rapidement faire en posant comme principe l’application de la déclaration d’inconstitutionnalité au requérant et aux instances en cours(6). Depuis, cette formule s’est déclinée et adaptée à mesure des décisions de non-conformité pour constituer un ensemble de solutions déjà relativement raffinées(7). Selon le bilan effectué par les services du Conseil en septembre 2014, « sur 103 décisions de non-conformité à la Constitution rendues depuis l’entrée en vigueur de la QPC, le Conseil a prononcé 33 abrogations à effet différé et 70 abrogations à effet immédiat »(8). Les difficultés suscitées par certaines décisions QPC de la première période, parfois imprécises sur la question des effets dans le temps, font désormais office d’« erreurs de jeunesse »(9) – en attendant que se révèlent les difficultés nées d’un trop plein de précision. Certaines lignées jurisprudentielles commencent à émerger(10), ce qui ne signifie pas que les techniques soient parfaitement stabilisées(11). L’état actuel mêle un début de standardisation à une forte dose de « sur-mesure »(12), généralement admise comme une nécessité en la matière(13). L’abrogation immédiate, qui est la plus fréquente, est le plus souvent accompagnée d’un effet utile pour les instances en cours, mais pas toujours ; l’abrogation différée en est généralement dépourvue, mais des palliatifs sont parfois utilisés. Certaines formules types sont parfois employées(14). Cependant, les modalités techniques dans lesquelles elles s’exercent prennent des configurations variables, particulièrement en présence de cas difficiles, qui peuvent donner lieu à des considérants très élaborés(15). Si le Conseil tend ainsi à multiplier les précisions sur l’effet dans le temps de ses décisions, il se montre souvent peu explicite sur les raisons des choix opérés, discrétion assez répandue auprès des juridictions en matière de modulation(16). Or, connaître ces raisons permet à la fois de mieux appliquer la décision, de mieux anticiper les futures décisions et de mieux argumenter pour les influencer. C’est à cette fin qu’il faut tenter de mieux cerner la façon de raisonner qui semble utilisée pour déterminer les effets dans le temps des décisions QPC.

Un droit conséquentialiste. Pour l’essentiel, les effets dans le temps des décisions QPC peuvent se résumer à une logique qui frôle la tautologie : le Conseil donne du temps au législateur quand il lui faut du temps et il laisse intactes les situations en cours quand il serait excessif de les modifier. Pour apprécier la nécessité de laisser du temps au premier et de laisser intactes les secondes, la décision est profondément marquée de « conséquentialisme » : ce sont les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité qui dictent le besoin d’une intervention du législateur, besoin qui entraîne lui-même le report de l’abrogation ; ce sont les conséquences de la rétroactivité de cette déclaration qui délimitent les contours de l’effet utile. Si l’argument conséquentialiste n’a jamais été absent de la prise de décision constitutionnelle(17), il devient le socle de la décision d’exécution et non un argument venant influer plus ou moins explicitement un raisonnement par ailleurs déductif. Cette approche mène parfois à faire état de considérations factuelles précises, ce qui introduit une dose non négligeable de concrétisation dans le contrôle abstrait(18). Le glissement est cependant localisé : si le contrôle du législateur, ie le raisonnement mis en œuvre pour juger de la conformité à la Constitution demeure abstrait, la détermination des modalités d’exécution de la décision qui en découle, qui est une autre opération intellectuelle, est nécessairement concrète. Certes, un futur effet de contagion sur l’ensemble du raisonnement ne peut être écarté(19) mais il est également possible d’estimer que le raisonnement juridictionnel n’est pas d’un bloc et qu’il ne recourt pas au même mode de raisonnement pour l’interprétation d’une norme, son application au cas ou encore la conciliation de droits. La gestion des effets de la décision, pour sa part, est une opération de rationalisation des conséquences : le raisonnement qui y préside peut dès lors difficilement échapper à la forme conséquentialiste. Il reste à apprivoiser cette façon d’aborder les décisions plus familière des juges de common law(20) et dont la transposition à outrance peut susciter des craintes(21). À cet égard, le Conseil semble s’être assez rapidement adapté à cette évaluation des conséquences, alors pourtant que son exercice soulève de redoutables difficultés, qu’il s’agisse de l’utiliser pour dater l’abrogation ou délimiter l’effet utile.

1 – Dater l’abrogation

Des conséquences manifestement excessives. Le choix entre abrogation immédiate ou différée s’exercera généralement au regard des conséquences manifestement excessives qu’emporterait une abrogation immédiate, bien que ces conséquences ne soient pas systématiquement mentionnées. Ce critère se retrouve pour l’exercice de la modulation par le juge administratif français(22) comme par les juges constitutionnels étrangers : par essence, la gestion des effets dans le temps des décisions n’est pas une déduction syllogistique à partir de principes transitoires mais l’intégration par le juge dans sa décision des conséquences qu’elle va produire. Ces conséquences sont parfois, mais pas toujours, précisées par le Conseil : « l’abrogation immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et entraînerait des conséquences manifestement excessives » (2010-14/22 QPC ; 2010-32 QPC ; 2014-387 QPC ; 2014-420/421 QPC) ; « l’abrogation immédiate de l’article L. 337 du code de la santé publique, devenu son article L. 3212-7, méconnaîtrait les exigences de la protection de la santé et la prévention des atteintes à l’ordre public et entraînerait des conséquences manifestement excessives » (2010-71 QPC) ; « l’abrogation immédiate de l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire méconnaîtrait le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs et entraînerait des conséquences manifestement excessives » (2011-147 QPC). L’excessivité est ici souvent celle de l’atteinte que l’abrogation d’une norme inconstitutionnelle porterait à son tour aux garanties constitutionnelles. À d’autres endroits, l’excessivité est plus clairement une donnée quantitative, quand l’excès tient au nombre de noms de domaines attribués sur le fondement de la disposition inconstitutionnelle (2010-45 QPC), au nombre de schémas adoptés sous son empire (2014-395 QPC) ou au montant de prélèvements opérés (2014-397 QPC). Dans tous les cas, il ne faut pas surestimer l’impression objective que peut donner cet état des conséquences dressé par le juge constitutionnel : au contraire, certains « ont voulu y voir le schème unique de la logique des jugements de valeur »(23). Le choix nécessairement fait parmi les conséquences favorables ou défavorables se double en outre de la difficulté de mesurer des conséquences non encore advenues.

Mesurer les conséquences d’une abrogation. Les conséquences envisagées pour décider des effets dans le temps d’une décision ne sont ni données, ni mécaniques, ni déductibles à partir d’un droit ou d’une liberté. Elles relèvent d’une appréciation mi-politique, mi-juridique, mi-gestionnaire, qui consiste à « comparer les alternatives résultant de l’une ou l’autre norme envisagée, en apprécier les conséquences prévisibles pour la vie pratique, humaine, économique et sociale et choisir celle qui, dans une pesée impartiale des conséquences favorables ou défavorables, produira par comparaison, les plus petits inconvénients et les plus grands avantages »(24). Le raisonnement conséquentialiste ne repose donc pas sur des conséquences réalisées mais sur celles prêtées à la solution envisagée. Pour en juger, le Conseil va se projeter, par un exercice de juris fiction, dans un système juridique dépourvu de la disposition dont il vient de déclarer l’inconstitutionnalité. Cette projection permet d’évaluer si les effets de l’abrogation ne seraient pas encore pire que les effets de l’application de la norme inconstitutionnelle, si un vide juridique ne se révèlerait pas plus perturbateur encore qu’un plein inconstitutionnel. Si ce n’est que le vide dans un système juridique n’est pas la figure la plus évidente. Le principe « abrogation sur abrogation ne vaut »(25) ne peut entièrement empêcher la résurrection d’anciens mécanismes(26) ou d’un ancien état du droit(27), dont rien ne garantit qu’ils ne se révèlent pas plus inconstitutionnels que celui objet du contrôle, par exemple lorsque « l’abrogation ( ) a pour effet de replacer l’ensemble des titulaires étrangers, autres qu’algériens, de pensions militaires ou de retraite dans la situation d’inégalité à raison de leur nationalité résultant des dispositions antérieures » (2010-1 QPC). À d’autres endroits, soit l’abrogation immédiate est susceptible de laisser un réel vide(28), soit il existe une paralysie de mécanismes plus généraux du fait de la disparition de la pièce inconstitutionnelle(29), soit, sans qu’il y ait vide juridique, il y a suppression d’un droit – conséquence non inconstitutionnelle mais pas nécessairement souhaitable(30). Après avoir évalué la situation, il faut encore, toujours par projection, reconstruire la façon dont le vide peut être comblé. Il pourra ainsi l’être par le « simple » jeu des règles de droit commun(31), jeu qui est lui-même tout sauf mécanique(32). Dans d’autres hypothèses, il sera nécessaire d’exercer un choix entre différentes façons de rétablir la constitutionnalité du système. C’est cette existence d’options qui rend l’intervention du législateur nécessaire, par des déductions en série à partir des conséquences projetées de l’abrogation : puisque le Conseil « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation de même nature que celui du Parlement », il faut « permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité constatée »(33), ce qui prend la forme d’un report de la date de l’abrogation. L’importance des conséquences va ensuite être l’un des éléments permettant de fixer les modalités du report.

Fixer les modalités du report. Le report doit là encore trouver un juste équilibre entre la nécessité théorique de ne pas tolérer trop longuement l’application d’une disposition dont l’inconstitutionnalité est avérée et la nécessité bien pratique de tenir compte du temps législatif. Les indications sur les raisons de retenir tel ou tel délai sont globalement absentes. Les juges allemands, tout en reconnaissant que les critères du choix de délai ne sont généralement pas explicités par la décision, indiquent comme éléments entrant dans l’appréciation « la gravité de l’atteinte à la Constitution, l’urgence, la complexité de la nouvelle réglementation ou encore les exigences particulières découlant de la matière à régler »(34). Il est possible que des considérations de même nature guident la pratique du Conseil constitutionnel. Celle-ci aboutit à accorder un délai dont la moyenne se situe autour de 10 mois(35). L’étude menée sur le suivi des décisions QPC a révélé le plein succès des abrogations ainsi différées, le législateur étant systématiquement intervenu dans les délais impartis, à l’exception des décisions 2013-343 QPC et 2011-205 QPC(36). Le délai est parfois allongé : ainsi, le délai plus long, de 18 mois, accordé par la décision 2011-147 QPC est justifié par le commentaire par le souci de tenir compte « tant de la réforme à opérer que du calendrier parlementaire lié aux échéances électorales du deuxième trimestre 2012 », confirmant l’approche réaliste du travail parlementaire. Le réalisme porte parfois très loin : le Conseil a ainsi repoussé à 2020 le report de l’abrogation dans sa décision 2014-432 QPC (ou au renouvellement général des conseils municipaux s’il intervient avant). Face à un tel report, on louera l’œuvre utile en matière d’intelligibilité de la vigueur des normes de Legifrance(37). Il est possible de se demander si, poussées à un tel point, les conséquences excessives de l’inconstitutionnalité n’auraient pas dû remonter au niveau de l’appréciation même de l’inconstitutionnalité. D’autres systèmes pratiquent ainsi la reconnaissance d’une inconstitutionnalité sans sa déclaration, du fait des conséquences. Sa transposition se heurte toutefois dans le système français à la difficulté de saisir à nouveau le Conseil. À l’inverse, le choix est parfois fait d’accorder un délai plus bref. Dans la décision 2013-343 QPC (délai fixé au 1er janvier 2014 par une décision du 27 septembre 2013(38)), il aura abouti à son non-respect : l’amendement gouvernemental, déjà déposé hors du délai accordé, aura attendu 9 mois son adoption par le Parlement à l’occasion de la loi 2014-170 du 13 octobre 2014. Le choix d’un délai raccourci n’avait pas en l’espèce été guidé par un souci de limiter le maintien d’une inconstitutionnalité mais par la formule retenue par le Conseil à titre transitoire, en ce qu’elle avait ordonné aux juges de surseoir à statuer dans l’attente de la nouvelle législation, applicable aux instances en cours(39). Là encore, ce sont les conséquences pratiques de la formule qui ont justifié le choix d’un court délai : le sursis était imposé alors qu’était en jeu le calcul d’intérêts et le sursis faisant à son tour produire des intérêts, le choix a été fait de s’en tenir au délai bref de trois mois(40). La loi n’étant intervenue qu’en octobre, le sursis à statuer avait pris fin, aboutissant à des applications par éclipses de la norme inconstitutionnelle(41). La doctrine du Conseil reconnaît que cette solution est « susceptible de poser une difficulté d’application aux juridictions administratives ou judiciaires si la loi remédiant à l’inconstitutionnalité n’intervient que postérieurement à la date fixée par le Conseil constitutionnel »(42). Afin, là encore, de trouver une technique moins susceptible de conséquences pratiques nuisibles, le Conseil préfère désormais recourir à la formulation d’une réserve d’interprétation (2014-400 QPC, 2014-404 QPC, 2014-420-421 QPC), réserve d’interprétation d’un nouveau genre puisqu’à durée de vie provisoire(43).

Il ne faut pas sous-estimer la délicatesse de la position du Conseil, étant bien plus difficile de gérer les effets d’une succession de normes quand l’auteur de la disparition de la norme ancienne n’est pas l’auteur de l’édiction de la norme nouvelle. Il ne faut pas non plus jeter un voile pudique sur l’injonction au législateur qui est faite par le juge constitutionnel(44) : en respectant le pouvoir du Parlement d’exercer les choix législatifs, le Conseil aboutit paradoxalement à lui indiquer qu’il faut faire un choix, et dans un délai déterminé. La puissance parlementaire est alors essentiellement celle du contenu de la norme, les considérations d’insertion de cette norme dans l’ensemble normatif étant maîtrisées par le juge. La question ne se situe pas exactement au même niveau pour délimiter l’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité sur les instances en cours. Du point de vue du droit transitoire des lois, l’application aux instances en cours est essentiellement l’apanage des lois de forme ou de procédure, en ce qu’elles guident l’activité du juge et non celle des parties au moment des faits. Hors de ces matières, une telle application est soumise à un contrôle sévère du fait de la séparation des pouvoirs. L’extension de l’effet utile de la déclaration d’inconstitutionnalité rappelle donc que la question n’est pas tant celle de la gestion d’un changement de norme substantielle que celle des effets de l’activité du juge sur le cadre juridique du procès(45).

2 – Délimiter l’effet utile

Le principe. Contrairement à la date d’abrogation, pour laquelle le constituant propose deux options, aucune modalité n’est indiquée pour gérer les effets déjà produits par la norme inconstitutionnelle. Le choix fait par le constituant du modèle de l’abrogation implique en principe la disparition de la norme uniquement pour l’avenir, sans remettre en cause les effets déjà produits. La norme inconstitutionnelle a pu fonder des décisions, actes, procédures en série : leur remise en cause rétroactive peut ainsi potentiellement produire des effets dévastateurs. Cette crainte doit être mise en balance avec le souci de l’effet utile, au nom duquel le Conseil va rapidement poser comme principe que « la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision ». À l’abrogation pour l’avenir s’ajoute donc une « rétroactivité procédurale »(46), la disposition inconstitutionnelle n’étant plus applicable dans les instances en cours. La solution est loin d’être d’un bloc : outre que l’effet utile pourra être exceptionnellement supprimé, quand il joue, les situations auxquelles il bénéficie sont parfois soigneusement délimitées. L’évaluation des conséquences de l’application de la déclaration d’inconstitutionnalité aux instances en cours semble souvent déterminante, bien que les explications manquent souvent pour reconstituer le raisonnement suivi en matière d’effet utile.

Les conséquences manifestement excessives et la suppression de l’effet utile. La première atténuation forte du principe de l’effet utile est son absence, en principe, en cas d’abrogation différée. « Lorsque le Conseil prévoit un délai pour le législateur, la validation temporaire de la disposition législative en cause présuppose a priori la validation de l’ensemble de ses effets passés et à venir pour la période de latence »(47). En revanche, en cas d’abrogation immédiate, l’effet utile joue, sauf exception – exception « de moins en moins exceptionnelle » : six cas ont été relevés(48). Dans tous ces cas, le critère est là encore celui des « conséquences manifestement excessives ». Lorsque l’effet utile est aménagé à l’occasion d’une abrogation immédiate, il est possible que ces conséquences ne soient évoquées que dans un second temps, après avoir fixé l’effet à la date de publication de la décision(49). Mais, le plus souvent, les conséquences excessives sont mentionnées une seule fois pour fonder à la fois le report de l’abrogation et la délimitation de l’effet utile. Pourtant, l’exercice de projection sur les conséquences de l’inconstitutionnalité n’est pas nécessairement identique pour l’appréciation de l’effet utile et pour celle de la date d’abrogation(50). La première implique une tentative d’évaluation du volume de contentieux potentiellement concerné, exercice dont la facilité n’a rien à envier à celui consistant à décrire un vide juridique(51) : la projection contentieuse rappelle que l’une des difficultés de l’argument conséquentialiste est « de réunir en un faisceau toutes les conséquences d’un événement »(52). Le Conseil réalise parfois cette projection avec un soin particulier(53) : ainsi, la suppression de l’effet utile sera notamment retenue pour éviter la remise en cause de procédures pénales ou de procédures collectives en cours(54) ou pour empêcher la remise en cause de rémunérations annuelles(55). Cette considération contentieuse se retrouve également dans la détermination précise des bénéficiaires de l’effet utile.

Les conséquences contentieuses, le requérant, les instances en cours et les autres. L’effet utile pour l’auteur de la QPC est évident : celui qui, avec succès, conteste la constitutionnalité d’une disposition, doit en bénéficier. L’acceptabilité des décisions écartant l’effet utile est à cet égard d’une grande fragilité(56). L’absence d’effet utile a ainsi pu être perçue comme un oubli du Conseil par un requérant ayant dès lors formé un recours en rectification d’erreur matérielle(57). La situation est d’autant plus sensible que dans ses conséquences, cette fois indirectes, elle renforce l’attractivité du contrôle de conventionnalité, dont le requérant est assuré de tirer profit, par rapport au contrôle de constitutionnalité, dont l’effet utile est soumis à éclipses. Les stratégies judiciaires en ce sens pourraient être d’autant plus importantes que le sort du requérant est étendu aux autres instances en cours. En effet, le Conseil ne se prononce jamais sur la seule situation du requérant : celui-ci n’est envisagé qu’au travers de la formule plus générale des instances en cours, et ce quand bien même la seule instance concernée serait celle du requérant(58). Le Conseil marque ainsi le caractère abstrait de son contrôle et les effets erga omnes de sa décision. Il assure également l’égalité de traitement de toutes les instances en cours, égalité pour laquelle il faut s’assurer que les situations sont effectivement comparables. En effet, la comparabilité joue essentiellement pour les instances en cours dans lesquelles la disposition législative a été attaquée par voie de QPC(59) : les traiter à l’identique permet d’éviter que la « prime au requérant » ne bénéficie qu’au « premier qui crie “au chat” »(60). Il est pourtant rare que le Conseil limite l’effet utile à ces seules actions(61). Le plus souvent, ce sont toutes les instances en cours qui sont visées, que la norme inconstitutionnelle applicable soit ou non contestée. Il est parfois avancé que les requérants ne comprendraient pas que leur soit appliquée une norme dont l’inconstitutionnalité vient d’être reconnue. Cependant, de ce point de vue, en quoi les autres situations, également nées avant la décision QPC, mais pour lesquelles l’action est engagée postérieurement à la décision, supporteraient-elles mieux l’application d’une disposition inconstitutionnelle(62) ? Le début de l’année 2014 a ainsi connu une période de faveur pour la formule de l’application « aux affaires nouvelles ainsi qu’aux affaires non jugées définitivement », rapidement abandonnée pour revenir à un effet profitant aux seules affaires non définitivement jugées(63). L’effet utile est donc plutôt conçu comme une mise en œuvre du droit au recours effectif(64), dont on sait que, plus généralement, il irrigue le pouvoir de modulation des juges. En revanche, l’inconstitutionnalité ne profitera pas aux instances non encore engagées par souci de stabilité juridique, afin d’éviter des remises en cause permanentes des situations passées du fait de la déclaration d’inconstitutionnalité. Ainsi, la décision 2013-360 QPC précise-t-elle que « la remise en cause des situations juridiques résultant de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait des conséquences excessives si cette inconstitutionnalité pouvait être invoquée par tous les descendants des personnes qui ont perdu la nationalité en application de ces dispositions » ; à l’inverse, une décision faisant bénéficier de l’abrogation les affaires en cours mais aussi nouvelles est-elle justifiée par le commentaire par le fait qu’« à la suite d’une mesure d’instruction qu’il avait ordonnée et ayant permis d’établir que le nombre de saisies de navires ou de cautionnement en cours est très faible » (2014-375 QPC). À nouveau, les considérations permettant de délimiter au mieux l’effet utile reposent donc sur la considération des conséquences de l’abrogation, cette fois sur le contentieux existant et potentiel. La logique semble vouloir faire profiter de la décision le plus grand nombre, sans susciter d’effet d’aubaine ou générer un contentieux qui n’aurait pas existé sans la décision d’inconstitutionnalité(65). Cette approche est parfois partagée par les juridictions étrangères. La Cour d’arbitrage belge, après avoir décrit les effets concrets de l’annulation d’une disposition déterminant les conditions auxquelles un magistrat du parquet pouvait être nommé au siège, conclut que « dès lors qu’il apparaît que l’avantage que procurerait à certains des requérants l’effet rétroactif de l’annulation est hors de proportion avec les perturbations qu’il causerait au service public de la justice, il convient de maintenir les effets de la disposition annulée »(66). Devant le Conseil, l’évaluation quantitative des contentieux accompagne en outre parfois la volonté de restreindre au plus près l’utilité à ceux qui y ont intérêt légitime(67). En effet, jusque dans son application de principe aux instances en cours, les formules varient : l’effet utile profite aux actes déjà « contestés » à la date de la décision(68) ; c’est également la date butoir qui peut être utilisée, le Conseil ne retenant pas nécessairement celle de sa décision(69) ; parfois ce n’est pas la date qui permet de sélectionner entre les actions qui bénéficieront de l’inconstitutionnalité mais l’objet de la demande(70) ; parfois, le Conseil joue de la distinction entre l’inconstitutionnalité « applicable » aux instances en cours (qui doit être relevé d’office) et celle qui « peut être invoquée ». Si la technique juridique offre ainsi des outils et nuances permettant une précision d’orfèvre dans la délimitation des situations en cours qui seront concernées par l’abrogation, c’est une projection sur les conséquences contentieuses qui semble constituer la meilleure boussole pour choisir entre ces différentes formules.

En définitive, le nouveau droit de l’exécution des décisions constitutionnelles ne relève pas de l’application déductive de principes transitoires mais de l’appréciation casuelle des conséquences de la décision. Il reste à savoir si le Conseil est armé pour maîtriser cette évaluation des conséquences, dont on sait que, jusque pour l’élaboration de la loi, elle est difficile à parfaire. Relevons en ce sens que la Cour de cassation, depuis 2004, recourt à l’occasion pour ces formes d’évaluation à la technique de l’amicus curiae(71). L’existence d’un débat constitutionnel ouvert aux observations d’intervenants intéressés(72) pourrait ainsi devenir à son tour le lieu de discussion contradictoire privilégié des effets des décisions QPC.

(1) Ce que la doctrine du Conseil a rapidement mis en avant, v. « À la une » de juillet-août 2010 ; M. Guillaume, NCCC, n° 29, 2010, p. 21.

(2) Sur le peu d’anticipation des analyses en la matière, mais aussi sur la difficulté pour les acteurs du procès à se saisir de la question, v. E. Cartier (dir.), La QPC, le procès et ses juges, Dalloz, Méthodes du droit, 2013, pp. 118 et s. et pp. 157-160. En revanche, la question a rapidement été systématiquement abordée par les rapporteurs au Conseil, R. Fraisse, « La procédure en matière de QPC devant le Conseil constitutionnel, considérations pratiques », AJDA 2011. 1250.

(3) Ex. 2014-398 QPC.

(4) Sur le constat de cette double constante, X. Magnon, « La modulation dans le temps des effets des décisions des juges constitutionnels », AIJC 2011. 558.

(5) Ibid.

(6) V. le considérant de principe inauguré par les décisions 2010-108 QPC et 2010-110 QPC.

(7) Les bilans synthétiques régulièrement proposés par le Conseil lui-même sont un guide précieux : Rubrique « À la une », juillet-août 2010, avril 2011, septembre 2014.

(8) V. également l’étude, menée sur les décisions jusqu’au 31 décembre 2013, du suivi des décisions d’abrogation par le législateur et par les juges ordinaires, et sa comparaison avec la jurisprudence italienne, M. Fatin-Rouge Stéfanini et K. Roudier, « Les suites des décisions rendues par les juridictions constitutionnelles dans le cadre de questions d’inconstitutionnalité. Étude portant sur les conséquences des déclarations d’inconstitutionnalité », in La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, L. Gay (dir.), Bruylant, 2014, p. 311. Le bilan est alors, sur 314 décisions QPC, 83 non-conformité, 55 abrogations immédiates, 28 différées, dont 22 sans effet utile.

(9) E. Cartier, précité, p. 181, à propos de 2010-10 QPC. Sur les principales difficultés rencontrées, M. Fatin-Rouge Stéfanini, « Étude de quelques suites des décisions d’inconstitutionnalité QPC », La question prioritaire de constitutionnalité. Approche de droit comparé, précité, p. 415.

(10) Ex. entre 2010-14/22 QPC (garde à vue) et 2010-32 QPC (retenue douanière) ; en matière de procédures collectives (2012-286 QPC, 2013-352 QPC, 2013-368 QPC et 2013-372 QPC) ; entre visites domiciliaires et visites douanières des navires (2014-387 QPC et 2013-357 QPC) ; en présence du principe de participation (2011-183/184 QPC, 2012-262 QPC et 2012-270 QPC, 2012-269 QPC, 2012-282 QPC et 2012-283 QPC ; la décision 2014-396 QPC ne retient pas le report retenu habituellement, la disposition ayant déjà été modifiée, mais son commentaire retrace la lignée jurisprudentielle).

(11) On songe, pour les outils 2014, à la courte période de faveur à l’effet utile pour les « affaires nouvelles » ou encore au recours récent à la technique des réserves d’interprétation temporaires, toutes techniques montrant que le Conseil cherche encore à parfaire ses outils.

(12) M. Fatin-Rouge Stéfanini et K. Roudier, précitées.

(13) Ex., M. Disant, « Les effets dans le temps des décisions QPC – Le Conseil constitutionnel, « maître du temps » ? Le législateur, bouche du Conseil constitutionnel ? », NCCC, juin 2013, n° 40, p. 65 : « il y a sans doute quelque chose de vain ou d’illusoire à prétendre pouvoir parfaitement préétablir les conditions d’exercice d’un pouvoir qui relève fondamentalement d’un impératif né de la pratique contentieuse et qui se fond dans des transactions pragmatiques ».

(14) Ex : « l’abrogation immédiate des dispositions critiquées aurait pour effet de ( ) et aurait des conséquences manifestement excessives ; qu’afin de permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er ( ) la date de cette abrogation ; qu’elle n’est applicable qu’à la contestation des ( ) après cette date » ; « l’abrogation de l’article ( ) prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date ».

(15) Ex. 2014-420/421 QPC.

(16) X. Magnon, précité.

(17) V. S. Salles, « La présence de l’argument conséquentialiste dans les délibérations du Conseil constitutionnel », VIIIe Congrès français de Droit constitutionnel, AFDC, Nancy, 16-18 juin 2011.

(18) Ex. M. Fatin-Rouge Stéfanini et K. Roudier, sous forme interrogative.

(19) V. en ce sens à partir des effets dans le temps des revirements, H. Muir Watt, in Les revirements de jurisprudence, N. Molfessis (dir.), Litec, 2005, p. 53 et s., sp. 70-71.

(20) V. F. Hourquebie, « L’emploi de l’argument conséquentialiste par les juges de common law », in La motivation des décisions des cours suprêmes et cours constitutionnelles, F. Hourquebie et M.-C. Ponthoreau, (dir.), Bruylant, 2012, p. 25, qui conclut sur la présence de cet argument dans les décisions françaises.

(21) Ex. M. Disant, précité, « Le Conseil constitutionnel n’est d’ailleurs pas à l’abri d’un raisonnement conséquentialiste qui consiste à se projeter trop avant dans les paramètres de réintroduction de la QPC dans le procès principal et dans tous ceux qui sont susceptibles de faire application des dispositions examinées ».

(22) V. O. Malmoudy, La modulation dans le temps des effets des décisions de justice en droit français, thèse, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013.

(23) À propos de l’argument « pragmatique », « celui qui permet d’apprécier un acte ou un événement en fonction de ses conséquences favorables ou défavorables », Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca, Traité de l’argumentation, Éd. de l’Université de Bruxelles, 6e éd., 2008, p. 358.

(24) Chief Justice Matthew Hale, cité par F. Hourquebie, sp. p. 31.

(25) E. Glaser, concl. sur CE, 28 octobre 2009, SCA L’Armorique maraîchère, n° 306708.

(26) V. 2014-413 QPC : l’abrogation immédiate aurait pour effet de « rétablir » le mécanisme préexistant.

(27) Ex. le commentaire de 2011-112 QPC : « l’abrogation des dispositions contestées aura pour effet un retour à l’état du droit antérieur à la loi du 15 juin 2000. En d’autres termes, ni le prévenu relaxé ni la partie civile lorsque le prévenu est condamné n’aurait pu obtenir la condamnation de la partie perdante au procès pénal au remboursement des frais irrépétibles engagés devant la Cour de cassation ».

(28) X. Magnon cite comme hypothèses ouvrant plusieurs options la suppression d’une norme portant composition d’un organe, posant un régime juridique général ou fixant des seuils.

(29) V. à cet égard la décision 2014-420/421 QPC, qui se projette sur les effets de la suppression d’une disposition, au-delà du régime de garde à vue, sur les autres pouvoirs spéciaux d’enquête et d’instruction qui, pour leur part, sont conformes à la Constitution.

(30) Ex. 2012-268 QPC : « l’abrogation immédiate des dispositions critiquées aurait pour effet de supprimer le droit de contester l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État et aurait des conséquences manifestement excessives » ; égal. 2010-108 QPC. En ce cas, l’intervention du législateur sera plus « proposée » qu’« imposée », v. M. Fatin-Rouge Stéfanini et K. Roudier, précitées.

(31) Ainsi, le commentaire de QPC 2010-2 précise que l’abrogation de la disposition transitoire de la loi anti-Perruche laisse place au jeu normal des règles d’application de la loi dans le temps.

(32) C’est le cas pour la composition des juridictions, v. 2010-10 QPC ou lorsque le Conseil prévoit le type de procédure applicable pour éviter des situations de « blocage » ou d’« impasse » (2014-403 QPC). Dans ce dernier cas, selon le commentaire, ce n’est pas le droit commun mais « la pratique » qui justifie le choix de la procédure par défaut.

(33) Les formules sont habituelles en la matière depuis 2010-14/22 QPC et parfois utilisées pour justifier un report, sans mention de conséquences excessives.

(34) G. Lübbe-Wolff, rapport Cour fédérale constitutionnelle allemande, XVe Congrès de la Conférence des cours constitutionnelles européennes, 2011, p. 14 et R. Gaier, ibid., p. 41.

(35) 10,4 mois selon l’étude dirigée par E. Cartier, précité, sp. p. 169. En droit comparé, les délais sont variables : entre un de deux ans pour la Cour allemande (G. Lübbe-Wolff, précitée), un « délai raisonnable » en Espagne (Rapport Tribunal constitutionnel espagnol, XVe Congrès précité, p. 8), au maximum 18 mois pour les constitutions autrichienne et polonaise (X. Magnon, précité)

(36) M. Fatin-Rouge Stéfanini et K. Roudier, précitées. Nous reviendrons sur la première décision ; la seconde accordait un délai au Congrès de Nouvelle-Calédonie.

(37) Pour le cas de l’article L. 46 du code électoral, Legifrance propose ainsi trois versions : Version à venir au 1er janvier 2020 ; Version en vigueur avec terme du 7 août 2009 au 1er janvier 2020 ; Version en vigueur du 28 octobre 1964 au 7 août 2009. La première version précise en note : « (1) Dans sa décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014 (NOR : CSCX1429182S), le Conseil constitutionnel a déclaré le premier alinéa de l’article L. 46 du code électoral contraire à la Constitution. La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet dans les conditions fixées au considérant 17 (Abrogation au 1er janvier 2020 ou au prochain renouvellement général des conseils municipaux s’il intervient avant cette date) ».

(38) V. également 2014-413 QPC, délai fixé au 1er janvier 2015 par une décision du 19 septembre 2014.

(39) La formule a également été employée par 2010-1 QPC, 2010-83 QPC, 2013-343 QPC, 2014-413 QPC.

(40) Selon le commentaire de la décision.

(41) Ex. Douai, 25 sept 2014, n° 14/649, 13/07039.

(42) Rubrique « À la une », septembre 2014.

(43) Relevons que le Conseil constitutionnel a également inauguré la réserve d’interprétation différée, figure étonnante d’une interprétation qui n’en est plus vraiment une, v. 2010-62 QPC, 2011-191/194/195/196/197 QPC.

(44) Sur ce point v. M. Disant, précité ; O. Dord, « La QPC et le Parlement : une bienveillance réciproque », NCCC, n° 38, 2013, p. 23.

(45) Les exigences fondées sur le respect de la séparation des pouvoirs ne sont donc pas transposables quand le changement de norme est la conséquence d’un contrôle judiciaire, v. CEDH, 4 sept. 2012, n° 59282/11, Dolca c. Roumanie, § 20.

(46) Th. Di Manno, RFDA 2004. 700.

(47) E. Cartier, précité, p. 169.

(48) Selon le bilan de M. Fatin-Rouge Stéfanini et K. Roudier arrêté au 31 décembre 2013.

(49) Ex. 2014-405 QPC, 2014-410 QPC.

(50) Pour une dissociation très claire des deux projections, 2014-420-421 QPC.

(51) Ex. le commentaire de la décision 2014-375 QPC précise qu’une mesure d’instruction a montré le faible contentieux concerné.

(52) Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca, précités, p. 361.

(53) Ex. décision 2014-396 QPC : la décision mentionne le nombre d’arrêtés concernés et le commentaire est plus explicite encore sur les conséquences concrètes.

(54) V. M. Fatin-Rouge Stéfanini et K. Roudier, précitées.

(55) 2014-410 QPC.

(56) Soulignant l’incompréhension portée par la voix de plusieurs avocats, J.-J. Urvoas, Rapport d’information, Ass. Nat., n° 842, 27 mars 2013

(57) 2012-284R QPC. La demande est rejetée. Précisons que la suppression de l’effet utile par la décision 2012-284 était d’autant plus difficilement acceptable qu’elle ne donnait aucune explication, pas plus que son commentaire.

(58) 2010-52 QPC. La formule n’est pas universellement pratiquée : ainsi, la Constitution autrichienne réserve le cas de « l’affaire ayant donné lieu à l’annulation », art. 140 al. 7.

(59) Ex. « Tout aussi bien aurait-on pu se contenter de considérer, en s’inspirant de ce qu’avait déjà pu faire le législateur pour remédier à un constat d’inconventionnalité de la loi, que seuls les requérants constitutionnellement clairvoyants, c’est-à-dire ceux qui avaient soulevé le moyen d’inconstitutionnalité victorieux, auraient pu tirer les dividendes de leur pari contentieux. », X. Domino et A. Bretonneau, AJDA 2011. 1136.

(60) J.-Ph. Thiellay, concl. sur CE, Ass., 13 mai 2011, RFDA 2011. 772.

(61) V. cep. 2010-110 QPC.

(62) Pour un ex. d’une telle application, CE, 13 juillet 2012, 353565. Proposant de rétablir l’égalité en étendant l’instance aux « voies de droit ouverte », J.-Ph. Thiellay, précité.

(63) 2013-360 QPC, 2014-374 QPC, 2014-375 QPC, 2014-390 QPC, 2014-391 QPC ; il est possible d’ajouter dans ce mouvement la décision 2013-368 QPC qui rend l’inconstitutionnalité applicable à tous les jugements rendus après la publication de la décision, sans distinguer selon la date d’introduction de l’action.

(64) Selon la CEDH, le droit à un tribunal « serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un État contractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie », ex. 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce, n° 18357/91, § 40.

(65) Ex. le commentaire de 2013-336 QPC : « Il a entendu empêcher tant la poursuite que le développement de contentieux sur le fondement de cette imprécision et de la censure des dispositions contestées » ; et celui de 2013-361 QPC : « Le fait de circonscrire le champ de la censure aux seuls contribuables ayant contesté leur imposition avant la publication de la décision du Conseil permet par ailleurs d’éviter tout effet d’aubaine ».

(66) CA Belge, 12 janvier 2005, n° 1/2005, B.3.1, p. 14.

(67) V. le commentaire de la décision 2011-160 QPC : « Le Conseil a ainsi entendu garantir l’effet utile de la QPC tout en limitant son bénéfice aux seules personnes qui ont un intérêt légitime à invoquer l’inconstitutionnalité constatée ».

(68) 2013-51 QPC.

(69) Ex. 2012-298 QPC, qui retient la date d’une modification législative rétroactive en la matière.

(70) Ex. 2014-390 QPC : la déclaration d’inconstitutionnalité est applicable aux affaires nouvelles et en cours mais ne permet ni de demander réparation du fait de la destruction de biens opérée antérieurement ni de contester les poursuites engagées dans des procédures dans lesquelles des destructions ont été ordonnées sur le fondement inconstitutionnel.

(71) Sur laquelle v. en dernier lieu J. Arrighi de Casanova, G. Canivet et M.-A. Frison-Roche, « Experts et procédures – L’amicus curiae », RDA octobre 2012, n° 6, p. 88 et s.

(72) Décision 2011-120 ORGA. Sur un bilan des interventions, v. sur le site du Conseil, « À la une », octobre 2014.