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Décision n° 2022-1023 QPC du 18 novembre 2022 - Décision de renvoi Cass.

M. Mikaël H. [Mise en mouvement de l’action publique pour certains délits commis hors du territoire français]
Conformité

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N° F 22-81.973 F-D

N° 01219

13 SEPTEMBRE 2022

SL2

RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 13 SEPTEMBRE 2022

M. [H] [B] a présenté, par mémoire spécial reçu le 15 juin 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 18 janvier 2022, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur sa plainte avec constitution de partie civile des chefs d'atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l'autorité publique et extorsion.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SAS Hannotin avocats, avocat de M. [H] [B], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 113-8 du code pénal est-il conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment :

1 °/ au droit au recours juridictionnel effectif, en ce que, en cas d'inertie volontaire du Parquet, il prive la victime française d'un délit commis à l'étranger d'accès au juge pénal pour faire judiciairement reconnaître la commission de l'infraction qui a directement causé le dommage dont elle a personnellement souffert et la culpabilité des auteurs de ladite infraction - étant entendu que l'action civile devant le juge pénal n'a pas de vocation exclusivement indemnitaire mais recouvre également le droit pour la victime d'une infraction de déclencher les poursuites et, sans les exercer, du moins de les corroborer afin, d'abord, que des investigations soient menées par des magistrats impartiaux et indépendants et, ensuite, en cas de renvoi, que soit rendue par la justice pénale une décision fixant la vérité judiciaire quant à l'infraction subie, préalables à son éventuelle indemnisation qu'aucun accès au juge civil ne lui permettrait d'obtenir - ?

2 °/ au principe d'égalité des justiciables devant la loi en ce que cette disposition prive la victime française d'un délit commis à l'étranger des droits reconnus, au titre de l'effet déclencheur de l'action publique attaché à la plainte avec constitution de partie civile, à la victime, fût-elle étrangère, d'un délit commis en France ou à la victime française d'un crime commis à l'étranger, qui ne sont pas pareillement soumises aux aléas d'une opportunité des poursuites abandonnée aux seules mains du ministère public ? ».

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

4. La question posée présente un caractère sérieux en ce que le monopole du ministère public pour engager les poursuites est susceptible de priver la victime de son droit au recours juridictionnel effectif dans l'hypothèse où aucun accès au juge civil ne lui serait permis.

5. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du treize septembre deux mille vingt-deux.