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Décision n° 2022-1013 QPC du 14 octobre 2022 - Décision de renvoi CE

Communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération [Modalités de compensation de la suppression de la taxe d'habitation pour certains établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre]
Conformité

Conseil d'État, 3ème chambre, 22/07/2022, 464934, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 3ème chambre

N° 464934
ECLI : FR : CECHS : 2022 : 464934.20220722
Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 22 juillet 2022
Rapporteur
M. Nicolas Jau
Rapporteur public
M. Laurent Cytermann
Avocat(s)
SCP BOUTET-HOURDEAUX
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération, à l'appui de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une indemnité de 1 200 000 euros à raison du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'application qui lui est faite du mécanisme de compensation de la suppression de la taxe d'habitation prévu par les IV et V de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019, a produit un mémoire, enregistré le 1er décembre 2021 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 2107929 du 10 juin 2022, enregistrée le 13 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Grenoble a décidé, avant qu'il soit statué sur la demande de la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération et par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des IV et V de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019, notamment son article 16 ;
- la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-982 QPC du 17 mars 2022 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes des IV et V de l'article 16 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, dans leur rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 : « IV. A. - Pour chaque commune, est calculée la différence entre les deux termes suivants : / 1 ° La somme : / a) Du produit de la base d'imposition à la taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale de la commune déterminée au titre de 2020 par le taux communal de taxe d'habitation appliqué en 2017 sur le territoire de la commune ; (...) / V. - A. - A compter de 2021, une fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée, défini comme le produit brut budgétaire de l'année, déduction faite des remboursements et restitutions effectués par les comptables assignataires, est affectée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, aux départements, à la Ville de Paris, au département de Mayotte, à la métropole de Lyon, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique et à la collectivité de Corse, selon les modalités définies aux B à D du présent V. / B.-1. Pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et la métropole de Lyon, cette fraction est établie en appliquant, au produit net défini au A, un taux égal au rapport entre : / 1 ° La somme : / a) De la taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale résultant du produit de la base d'imposition 2020 par le taux intercommunal appliqué sur le territoire intercommunal en 2017 ; (...) / Au titre de l'exercice 2021, une régularisation est effectuée dès que le produit net de la valeur ajoutée encaissé au cours de cette même année est connu afin que le montant de taxe effectivement perçu par chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et par la métropole de Lyon soit égal à la somme : / - de la taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale résultant du produit de la base d'imposition 2020 par le taux intercommunal appliqué sur le territoire intercommunal en 2017 ; (...) / 2. En cas de fusion d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, le montant de la fraction de taxe sur la valeur ajoutée est égal à la somme des montants des fractions déterminées conformément au 1 des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre fusionnés. (...) ».

3. Par la décision n° 2021-982 QPC du 17 mars 2022, le Conseil constitutionnel, après avoir relevé que la question prioritaire de constitutionnalité qui lui avait été transmise portait sur le a du 1 ° du A du IV précité, a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution en précisant que ces dispositions, dans leur rédaction contestée, n'étaient plus en vigueur et que cette déclaration d'inconstitutionnalité pouvait être invoquée dans les instances en cours. Dès lors, la question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions est dépourvue d'objet. Par suite, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui ne conteste pas d'autres dispositions du IV, doit être regardée comme ne portant plus que sur le V de ce même article.

4. Aux termes des III et IV de l'article 1638-0 bis du code général des impôts : « III. - En cas de fusion d'établissements publics de coopération intercommunale soumis à l'article 1609 nonies C, réalisée dans les conditions prévues par l'article L.5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, l'établissement public de coopération intercommunale issu de la fusion est soumis de plein droit au régime prévu par ces mêmes dispositions. Il en est de même en cas de fusion, d'une part, d'établissements publics de coopération intercommunale soumis à l'article 1609 nonies C et, d'autre part, d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre additionnelle faisant ou non application de l'article 1609 quinquies C ou d'établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre. (...) / IV. - Le taux de taxe d'habitation des communes membres en 2011 d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre additionnelle faisant ou non application de l'article 1609 quinquies C ou d'un établissement public sans fiscalité propre qui fusionne avec un établissement public de coopération intercommunale qui faisait application en 2011 de l'article 1609 nonies C est réduit l'année suivant celle de la fusion de la différence entre, d'une part, le taux de référence de taxe d'habitation calculé pour la commune conformément à l'article 1640 C et, d'autre part, le taux communal de taxe d'habitation applicable en 2010 dans la commune. / La réduction du taux de taxe d'habitation prévue au premier alinéa s'applique également aux communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale soumis au 1er janvier 2011 à la fiscalité propre additionnelle et qui applique, l'année précédant la fusion, l'article 1609 nonies C. Ces dispositions sont applicables aux communes qui n'étaient pas membre en 2011 d'un établissement public de coopération intercommunale faisant application de l'article 1609 nonies C et qui, à la suite d'une fusion, deviennent membres d'un établissement issu d'une ou de plusieurs fusions d'établissements publics de coopération intercommunale dont l'un au moins faisait application en 2011 du même article 1609 nonies C. (...) ».

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1638-0 bis du code général des impôts, que lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale faisant application de l'article 1609 nonies C du même code, soumis au régime fiscal de la fiscalité professionnelle unique, fusionne avec un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle, d'une part, le nouvel établissement public de coopération intercommunale est lui-même soumis au régime de la fiscalité professionnelle unique et d'autre part, un mécanisme dit de « débasage / rebasage » de la part communale du taux de taxe d'habitation issu de la réforme de la taxe professionnelle est opéré au profit du nouvel établissement public de coopération intercommunale sur le territoire de l'ancien établissement public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle. En application du V de l'article 1609 nonies C du même code, ce mécanisme donne lieu au versement d'attributions de compensation par l'établissement public de coopération intercommunale aux communes concernées.

6. Il résulte des dispositions précitées du V de l'article 16 de la loi du 28 décembre 2019 que, lorsque la fusion décrite au point précédent est intervenu après 2017, le nouvel établissement public de coopération intercommunale verse aux communes issues de l'ancien établissement public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle des attributions de compensation au titre du « débasage / rebasage » du taux de taxe d'habitation postérieur à 2017, alors que la compensation à l'établissement public de coopération intercommunale de la perte de ressources induite par la suppression de la taxe d'habitation se fonde sur les taux de taxe d'habitation de 2017 antérieurs au « débasage / rebasage ». Dès lors, le nouvel établissement public de coopération intercommunale issu d'une fusion postérieure à 2017 subit une perte de ressources équivalente au gain dont bénéficient les communes membres de l'ancien établissement public de coopération intercommunale à fiscalité additionnelle.

7. Ces dispositions sont applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du V de l'article 16 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

D E C I D E :
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Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du V de l'article 16 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est transmise au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au tribunal administratif de Grenoble.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juillet 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 22 juillet 2022.

Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova

ECLI : FR : CECHS : 2022 : 464934.20220722