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Décision n° 2022-1005 QPC du 29 juillet 2022 - Décision de renvoi Cass.

Mme Marie D. [Interdiction de recevoir des libéralités pour les membres des professions de santé]
Conformité

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 mai 2022, 22-40.005, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1

N° de pourvoi : 22-40.005
ECLI : FR : CCASS : 2022 : C100521
Non publié au bulletin
Solution : Qpc seule - renvoi au cc

Audience publique du mardi 24 mai 2022
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 23 février 2022

Président
M. Chauvin (président)
Avocat(s)
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

COUR DE CASSATION

CF

______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________

Audience publique du 24 mai 2022

RENVOI

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 521 FS-D

Affaire n° P 22-40.005

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 MAI 2022

La cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1) a transmis à la Cour de cassation, suite à l'arrêt rendu le 23 février 2022, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 28 février 2022, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 1],

D'autre part,

M. [T] [J], domicilié [Adresse 2],

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [J], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, M. [G], Mme Azar, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. [R] [J] est décédée le 13 avril 2014, en laissant pour lui succéder son frère, M. [J], en l'état d'un testament olographe daté du 5 octobre 2012 et instituant Mme [G], infirmière libérale, légataire de divers biens mobiliers et immobiliers.

2. Mme [G] a assigné en délivrance de son legs M. [J] qui a contesté la capacité de celle-ci de recevoir sur le fondement de l'article 909 du code civil. Devant la cour d'appel de Paris, saisie sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 septembre 2020, pourvoi n° 19-15.818, publié), Mme [G] a posé une question prioritaire de constitutionnalité.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. Par arrêt du 23 février 2022, la cour d'appel de Paris a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article 909, alinéa 1er du code civil, qui interdisent à une personne de gratifier les auxiliaires médicaux qui lui ont procuré des soins au cours de sa dernière maladie, sont-elles contraires aux articles 2, 4, 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles portent atteinte au droit de disposer librement de ses biens en dehors de tout constat d'inaptitude du disposant ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. La disposition contestée est le premier alinéa de l'article 909 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, qui dispose :

« Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci. »

5. Elle est applicable au litige, M. [J] opposant à Mme [G] une incapacité de recevoir fondée sur ce texte.

6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

7. La question présente un caractère sérieux en ce que, ayant pour conséquence de réduire le droit de disposer librement de ses biens de la personne soignée pour la maladie dont elle meurt hors tout constat d'inaptitude de celle-ci, l'article 909, alinéa 1er, du code civil serait susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

8. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-deux.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambreECLI : FR : CCASS : 2022 : C100521