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Décision n° 2021-961 QPC du 14 janvier 2022 - Décision de renvoi CE

Union syndicale des magistrats administratifs et autres [Nominations au sein des services d'inspection générale de l'État, au grade de maître des requêtes du Conseil d'État et de conseiller référendaire à la Cour des comptes]
Conformité - non lieu à statuer

Conseil d'État - 4ème - 1ère chambres réunies

N° 454719
ECLI : FR : CECHR : 2021 : 454719.20211012
Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 12 octobre 2021
Rapporteur
Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public
M. Raphaël Chambon
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

1 ° Sous le n° 454719, par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juillet et 3 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale des magistrats administratifs (USMA) demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions des 23 ° et 24 ° de l'article 7 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat modifiant les articles L. 234-2-1 et L. 234-2-2 du code de justice administrative, des dispositions du 11 ° de l'article 7 modifiant l'article L. 133-9 du code de justice administrative, des dispositions du 13 ° de l'article 7 créant les articles L. 133-12-1 à L. 133-12-5 du code de justice administrative et des dispositions du 17 ° du même article 7 modifiant l'article L. 233-2 du code de justice administrative et en tant que de besoin, des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions.

2 ° Sous le n° 454775, par un mémoire, enregistré le 2 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat de la juridiction administrative demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à titre principal à l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat ou, à titre subsidiaire, à son annulation à l'exception des dispositions introduites par les 14 ° et 15 ° de l'article 7, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 7 de cette ordonnance.
....................................................................................

3 ° Sous le n° 455105, par deux mémoires et deux mémoires en réplique enregistrés les 30 juillet et 2 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration (AAEENA) et M. O... AB..., M. AA... R..., M. P... Z..., Mme T... U..., M. O... F..., Mme Y... AG..., M. N... V..., Mme AC... AE..., M. W... D..., M. AA... AD..., M. AA... M..., M. W... I..., M. L... K..., M. AA... B..., M. AF... C..., M. W... H..., M. J... G..., M. A... E..., M. Q... X... et M. A... S... demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 6 de cette ordonnance, des dispositions des articles L. 133-5, L. 133-12-3, L. 133-12-4 du code de justice administrative dans leur rédaction issue de l'article 7 de cette ordonnance, des articles L. 112-3-1, L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières dans leur rédaction issue de l'article 8 de cette ordonnance et des dispositions du I de l'article 9 de l'ordonnance.
....................................................................................

4 ° Sous le n° 455150, par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 août et 3 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des magistrats de la Cour des comptes (AMCC) demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions des articles 8, 9 et 14 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 112-1, L. 112-3-1, L. 122-3, L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières dans leur rédaction issue de l'article 8 de cette ordonnance ainsi que des dispositions de l'article 9 de celle-ci.
...................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le code des juridictions financières ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du Syndicat de la juridiction administrative, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration, de M. AB..., de M. R..., de M. Z..., de Mme U..., de M. F..., de Mme AG..., de M. V..., de Mme AE..., de M. D..., de M. AD..., de M. M..., de M. I..., de M. K..., de M. B..., de M. C..., de M. H..., de M. G..., de M. E..., de M. X... et de M. S... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Association des magistrats de la Cour des comptes ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 21 et 22 septembre 2021, présentées par l'Union syndicale des magistrats administratifs ;

Considérant ce qui suit :

1. L'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat a été prise sur le fondement de l'habilitation prévue par les dispositions de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et prolongée par celles de l'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Le chapitre Ier de l'ordonnance, consacré aux dispositions générales relatives à l'encadrement supérieur de l'Etat, comporte en particulier un article 6 relatif aux nominations et parcours de carrière au sein de certains services d'inspection générale et à l'exercice des fonctions d'inspection générale au sein de ces services. Son chapitre II est relatif au recrutement et à la mobilité des membres des juridictions administratives et financières. Un projet de loi de ratification de cette ordonnance a été déposé à l'Assemblée nationale le 29 juillet 2021. A la date de la présente décision, le délai d'habilitation est expiré et l'ordonnance n'a pas été ratifiée.

2. Par quatre requêtes, l'Union syndicale des magistrats administratifs (USMA), le Syndicat de la juridiction administrative (SJA), l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration (AAEENA) et autres, l'association des magistrats de la Cour des comptes (AMCC) demandent l'annulation pour excès de pouvoir de dispositions de cette ordonnance. À l'appui de leurs requêtes, ils présentent des questions prioritaires de constitutionnalité, pour partie similaires, dirigées contre ces mêmes dispositions, qu'il y a lieu de joindre.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. Lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité, présentée par un mémoire distinct, porte sur les dispositions d'une ordonnance prise par le Gouvernement sur le fondement d'une habilitation donnée par le Parlement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, elle est recevable si le délai d'habilitation est expiré et qu'elle porte sur la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, de dispositions de l'ordonnance qui relèvent du domaine de la loi. Elle doit alors être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2, 23-4 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont remplies.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l'article 6 de l'ordonnance :

5. Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 : « Les nominations, parcours de carrière et mobilités au sein des services d'inspection générale dont les missions le justifient et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat sont régis par les dispositions qui suivent. / Les chefs de ces services sont nommés par décret en conseil des ministres pour une durée renouvelable. Il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant le terme de cette durée qu'à leur demande ou en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques, après avis d'une commission dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. Le sens de cet avis est rendu public avec la décision mettant fin aux fonctions. / Les agents exerçant des fonctions d'inspection générale au sein des mêmes services sont recrutés, nommés et affectés dans des conditions garantissant leur capacité à exercer leurs missions avec indépendance et impartialité. / Lorsqu'ils ne sont pas régis par les statuts particuliers des corps d'inspection et de contrôle, ces agents sont nommés pour une durée renouvelable. Pendant cette durée, il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou, sur proposition du chef du service de l'inspection générale concernée, en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ». Les dispositions de l'article 6 sont applicables au litige au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

6. Aux termes de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

7. Le moyen présenté par l'AAEENA et autres par lequel la constitutionnalité des dispositions de l'article 6 est contestée au regard d'un principe d'indépendance de valeur constitutionnelle, applicable aux membres de services d'inspection générale, qui résulterait de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ainsi que, le cas échéant, de son article 16, et dont la mise en œuvre relèverait des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils de l'Etat, domaine de compétence que l'article 34 de la Constitution réserve à la loi, soulève une question nouvelle au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, alors même que le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de faire application des articles 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Il y a lieu, dans ces conditions, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre les dispositions du 7 ° de l'article 7 de l'ordonnance, du 13 ° de l'article 7 en tant qu'il crée les articles L. 133-12-1 et L. 133-12-2 du code de justice administrative, du a) du 1 ° de l'article 8 et du 2 ° de l'article 8 en tant qu'il crée l'article L. 112-3-1 du code des juridictions financières :

8. Aux termes de l'article L. 133-5 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 7 °de l'article 7 de l'ordonnance : « Les auditeurs sont nommés par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat afin d'exercer des fonctions consultatives et juridictionnelles pour une durée de trois ans non renouvelable. / Ils sont nommés, après avis du comité consultatif mentionné à l'article L. 133-12-1 parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité. / Il ne peut être mis fin à leurs fonctions que pour motif disciplinaire et sur proposition de la commission supérieure du Conseil d'Etat mentionnée à l'article L. 132-1 ». Aux termes de l'article L. 133-12-1, introduit dans le code de justice administrative par le 13 ° de l'article 7 de l'ordonnance : « Le comité consultatif comprend deux membres du Conseil d'Etat en exercice nommés par le vice-président du Conseil d'Etat et deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences respectives dans les domaines du droit et des ressources humaines nommées respectivement par le Premier ministre sur proposition du ministre chargé de la fonction publique et par le vice-président du Conseil d'Etat sur une liste établie par le ministre chargé de la fonction publique. / Le mandat des membres du comité est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. / La composition du comité assure la représentation équilibrée des hommes et des femmes ». Aux termes de l'article L. 133-12-2 introduit dans le code de justice administrative par le 13 ° de l'article 7 de l'ordonnance : « Le comité consultatif émet un avis sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions d'auditeur, compte tenu de leur capacité à acquérir les compétences requises pour l'exercice des fonctions consultatives et contentieuses au sein du Conseil d'Etat et à participer à des délibérations collégiales, de leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que de leur sens de l'action publique au vu notamment des services accomplis dans leurs fonctions précédentes. / Pour exprimer cet avis, il procède à l'audition des candidats qu'il a sélectionnés après examen de leur dossier. / L'avis du comité est communiqué à l'intéressé sur sa demande ».

9. Aux termes de l'article L. 112-1 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du 1 ° de l'article 8 de l'ordonnance : « La Cour des comptes est composée du premier président, de présidents de chambre, de conseillers maîtres et de conseillers référendaires. / Concourent également à l'exercice des missions de la Cour les auditeurs, les conseillers maîtres et les conseillers référendaires en service extraordinaire ». Aux termes de l'article L. 112-3-1 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du 2 ° de l'article 8 de l'ordonnance : « Les auditeurs sont nommés par arrêté du premier président pour une durée de trois ans non renouvelable. Ils peuvent exercer une activité juridictionnelle / Ils sont nommés, après avis du comité consultatif mentionné à l'article L. 122-7 parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité. / Il en est de même des personnes mentionnées à l'article L. 4139-2 du code de la défense. / Il ne peut être mis fin à leurs fonctions que sur demande des intéressés ou pour motif disciplinaire et sur proposition du Conseil supérieur de la Cour des comptes ». Aux termes de l'article L. 122-7 du code des juridictions financières introduit dans ce code par le 16 ° de l'article 8 de l'ordonnance et non critiqué au titre des questions prioritaires de constitutionnalité soumises au Conseil d'Etat : « Le comité consultatif comprend deux magistrats de la Cour des comptes en exercice nommés par le Premier président et deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences respectives dans les domaines, d'une part, des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques, et d'autre part, des ressources humaines, nommées respectivement par le Premier ministre sur proposition du ministre chargé de la fonction publique et par le premier président de la Cour des comptes sur une liste établie par le ministre chargé de la fonction publique. / Le mandat des membres du comité est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. / La composition du comité assure la représentation équilibrée des hommes et des femmes ». Aux termes de l'article L. 122-8 du code des juridictions financières introduit dans ce code par le 16 ° de l'article 8 de l'ordonnance, non critiqué au titre des présentes questions prioritaires de constitutionnalité : « Le comité consultatif émet un avis sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions d'auditeur, compte tenu de leur capacité à acquérir les compétences requises pour l'exercice des fonctions de magistrat au sein des juridictions financières et à participer à des délibérations collégiales, de leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que de leur sens de l'action publique au vu notamment des services accomplis dans leurs fonctions précédentes. / Pour exprimer cet avis, il procède à l'audition des candidats qu'il a sélectionnés après examen de leur dossier. / L'avis du comité est communiqué à l'intéressé sur sa demande ».

10. Les dispositions citées aux points 8 et 9 fixent des règles de recrutement et de nomination des auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes ainsi que la composition des comités consultatifs chargés d'émettre un avis sur l'aptitude des candidats à exercer ces fonctions, précisent les garanties dont ils bénéficient, en particulier pour l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles et prévoient les conditions dans lesquelles il peut être mis fin à leurs fonctions.

11. En premier lieu, la circonstance que ces dispositions mettent fin au recrutement direct des auditeurs parmi les anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration selon les règles propres au classement des élèves de cette école ne porte pas, par elle-même, atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

12. En deuxième lieu, les nominations des auditeurs par le vice-président du Conseil d'Etat ou par le premier président de la Cour des comptes ne peuvent intervenir qu'après avis de comités consultatifs chargés d'émettre un avis sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions d'auditeur, compte tenu de leur capacité à acquérir les compétences requises pour l'exercice des fonctions en cause, de participer à des délibérations collégiales, de leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que de leur sens de l'action publique au vu notamment des services accomplis dans leurs fonctions précédentes. En outre, durant l'exercice de leurs fonctions, les auditeurs sont soumis aux mêmes droits, garanties et obligations que les membres du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, et notamment à l'ensemble des règles qui régissent l'exercice de fonctions juridictionnelles et au respect des principes déontologiques propres à l'exercice des fonctions de membre du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions contestées portent atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en les édictant.

13. En dernier lieu, les requérants ne sont pas davantage fondés à invoquer la rupture d'égalité susceptible d'être créée par ces dispositions entre les auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes et les magistrats des tribunaux administratifs et des chambres régionales des comptes qui se trouvent dans des situations différentes.

14. Il résulte de ce qui précède que les questions, soulevées par les requérants, de la conformité aux droits et libertés des dispositions du 7 ° de l'article 7 de l'ordonnance, du 13 ° du même article 7 en tant qu'elles insèrent au code de justice administrative les articles L. 133-12-1 et L. 133-12-2, du a) du 1 ° de l'article 8 et du 2 ° de l'article 8 en tant qu'il crée l'article L. 112-3-1 du code des juridictions financières, à supposer que ces dispositions relèvent toutes du domaine de compétence que l'article 34 de la Constitution réserve à la loi, ne sont pas nouvelles et ne présentent pas de caractère sérieux. Il n'y a pas lieu, par suite, de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions du 11 ° de l'article 7 de l'ordonnance :

15. Aux termes de l'article L. 133-9 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 11 ° de l'article 7 de l'ordonnance : « Des fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l'Institut national du service public, des magistrats de l'ordre judiciaire, des professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, des administrateurs des assemblées parlementaires, des fonctionnaires civils ou militaires de l'Etat, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d'emplois de niveau comparable, des agents contractuels de droit public ainsi que des fonctionnaires de l'Union européenne de niveau comparable peuvent être nommés par le vice-président du Conseil d'Etat pour exercer, en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire, les fonctions dévolues aux maîtres des requêtes pour une durée qui ne peut excéder quatre ans. / Peuvent également être nommées maîtres des requêtes en service extraordinaire les personnes dont la qualification et l'expertise particulières sont utiles aux activités et aux missions du Conseil d'Etat. / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article ».

16. Ces dispositions dressent la liste des personnes susceptibles d'être nommées par le vice-président du Conseil d'Etat en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire pour exercer les fonctions dévolues aux maîtres des requêtes pendant une durée qui est limitée et qui ne peut excéder quatre années. En outre, durant l'exercice de ces fonctions, les maîtres des requêtes en service extraordinaire sont soumis aux mêmes droits, garanties et obligations que les membres du Conseil d'Etat, et notamment à l'ensemble des règles qui régissent l'exercice de fonctions juridictionnelles et au respect des principes déontologiques propres à l'exercice des fonctions de membre du Conseil d'Etat. Enfin, ces dispositions confient à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les conditions de leur application, au nombre desquelles figurent les règles présidant à la reprise, par ces personnes, d'une activité professionnelle lorsque leurs fonctions au Conseil d'Etat prennent fin. Dans ces conditions, la circonstance que les dispositions précitées mentionnent, parmi les personnes susceptibles d'être nommées par le vice-président du Conseil d'Etat en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire pour exercer les fonctions dévolues aux maîtres des requêtes, des agents de droit public et des personnes dont la qualification et l'expertise particulière sont utiles aux activités et aux missions du Conseil d'Etat, ne porte pas atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 . Les dispositions du 11 ° de l'article 7 ne peuvent davantage être regardées comme par ailleurs entachées d'incompétence négative. Il en résulte que la question de la conformité des dispositions introduites par le 11 ° de l'article 7 de l'ordonnance aux droits et libertés garantis par la Constitution soulevée par l'USMA, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a pas lieu, par suite, de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre les dispositions du surplus du 13 ° de l'article 7 et du 16 ° de l'article 8 de l'ordonnance :

17. Aux termes de l'article L. 133-12-3 du code de justice administrative créé par les dispositions du 13 ° de l'article 7 de l'ordonnance : « La commission d'intégration comprend : / 1 ° Le vice-président du Conseil d'Etat, ou son représentant ; / 2 ° Un membre du Conseil d'Etat en exercice ayant au moins le grade de conseiller d'Etat et un membre du Conseil d'Etat en exercice ayant le grade de maître des requêtes, nommés par le vice-président du Conseil d'Etat ; / 3 ° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République ; / 4 ° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine de l'action publique, nommée par le président de l'Assemblée nationale ; / 5 ° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine du droit, nommée par le président du Sénat ; / Le mandat des membres de la commission, à l'exception de celui du vice-président est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. / Les cinq membres de la commission mentionnés aux 2 ° à 5 ° comprennent au moins deux personnes de chaque sexe. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités permettant d'assurer le respect de cette règle. / Les membres de la commission doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts ». Aux termes de l'article L. 133-12-4 du code de justice administrative créé par la même disposition de l'ordonnance : « La commission d'intégration propose la nomination au grade de maître des requêtes des auditeurs et des maîtres des requêtes en service extraordinaire après audition des candidats. Elle procède de manière distincte pour les auditeurs, pour les maîtres des requêtes en service extraordinaire mentionnés aux articles L. 133-9 et L. 133-12 et pour les maîtres des requêtes en service extraordinaire relevant de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat et des règles de recrutement et de mobilité des membres des juridictions administratives et financières. / Elle prend en compte, au vu notamment de l'expérience résultant de la période d'activité au sein du Conseil d'Etat, l'aptitude des candidats à exercer les fonctions consultatives et contentieuses et à participer à des délibérations collégiales, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. Elle rend publiques les lignes directrices guidant son évaluation des candidats. / A l'issue des auditions, la commission arrête la liste des candidats retenus par ordre de mérite dans la limite du nombre fixé par le vice-président. / Sur demande du candidat, elle lui communique les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer son intégration. / Les nominations sont prononcées dans l'ordre établi par la commission ».

18. Aux termes de L. 122-9 du code des juridictions financières créé par les dispositions du 16 ° de l'article 8 de l'ordonnance : « La commission d'intégration comprend : / 1 ° Le premier président de la Cour des comptes, ou son représentant ; / 2 ° Un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant au moins le grade de conseiller maître et un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant le grade de conseiller référendaire, nommés par le premier président de la Cour des comptes ; / 3 ° Deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences dans le domaine des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques, nommées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ; / 4 ° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République. / Le mandat des membres de la commission, à l'exception de celui du premier président est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. / Les cinq membres de la commission mentionnés aux 2 ° à 4 ° comprennent au moins deux personnes de chaque sexe. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités permettant d'assurer le respect de cette règle. / Les membres de la commission doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts ». Aux termes de l'article L. 122-10 du code des juridictions financières introduit dans ce code par la même disposition de l'ordonnance : « La commission d'intégration décide de la nomination au grade de conseiller référendaire des auditeurs et des conseillers référendaires en service extraordinaire. Elle procède de manière distincte pour les auditeurs, pour les conseillers référendaires en service extraordinaire mentionnés à l'article L. 112-7 et pour les conseillers référendaires en service extraordinaire relevant de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat et des règles de recrutement et de mobilité des membres des juridictions administratives et financières. / Elle prend en compte, au vu notamment de l'expérience résultant de la période d'activité au sein de la Cour des comptes, l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrat et à participer à des délibérations collégiales, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. Elle rend publiques les lignes directrices guidant son évaluation des candidats. / A l'issue des auditions, la commission arrête la liste des candidats par ordre de mérite dans la limite du nombre fixé par le Premier président. / Sur demande du candidat, elle lui communique les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer son intégration. / Les nominations sont prononcées dans l'ordre établi par la commission. / Les modalités d'application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d'Etat ».

19. Les dispositions citées aux points 17 et 18, qui fixent des règles de nomination au grade de maître des requêtes des auditeurs et des maîtres des requêtes en service extraordinaire pour le Conseil d'Etat, ainsi qu'au grade de conseiller référendaire des auditeurs et des conseillers référendaires en service extraordinaire pour la Cour des comptes, précisent la composition de la commission d'intégration compétente pour proposer leur intégration au sein du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes et fixent les modalités de nomination des personnalités qualifiées membres de ces commissions ainsi que les garanties que celles-ci doivent présenter afin de prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives et tout conflit d'intérêts, relèvent également du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Les dispositions citées aux points 17 et 18 sont applicables au litige au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

20. Les moyens présentés par les requérants selon lesquels les dispositions introduites par le 13 ° de l'article 7 de l'ordonnance et le 16 ° de son article 8, en ce qu'elles prévoient une composition paritaire des commissions d'intégration sans désigner leur président ni fixer les règles de départage des voix de leurs membres, seraient entachées d'une incompétence négative de nature à priver de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment les principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles, soulèvent des questions présentant un caractère nouveau.

21. Il y a lieu, dans ces conditions, de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions du 13 ° de l'article 7 de l'ordonnance en ce qu'elles créent les articles L. 133-12-3 et L. 133-12-4 du code de justice administrative et du 16 ° de l'article 8 de l'ordonnance en ce qu'elles créent les articles L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières. Il n'y a pas lieu, en revanche, de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre le surplus des dispositions de cet article 7 et du 16 ° de l'article 8, qui ne font l'objet d'aucune contestation de constitutionnalité spécifique.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre les dispositions des 17 °, 23 ° et 24 ° de l'article 7 et du b) du 13 ° de l'article 8 de l'ordonnance :

22. D'une part, aux termes de l'article L. 233-2 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 17 ° de l'article 7 de l'ordonnance : « Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont recrutés au grade de conseiller, sous réserve des dispositions des articles L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-5 : / 1 ° Parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public et justifiant d'au moins deux ans de service effectif en cette qualité, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Les élèves de l'Institut national du service public ayant exercé ce choix et qui justifient d'une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d'une durée d'au moins quatre ans dans des fonctions d'un niveau équivalent à celles de la catégorie A sont directement nommés en qualité de magistrats. / 2 ° Et par voie de concours. / Les services effectifs accomplis en qualité d'administrateur de l'Etat sont pris en compte pour l'application de l'article L. 234-2-1 ». Aux termes de l'article L. 234-2-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 23 ° de l'article 7 de l'ordonnance : « Peuvent être promus au grade de premier conseiller, les conseillers ayant accompli une mobilité statutaire d'une durée d'au moins deux ans, qui justifient de trois années de services effectifs en qualité de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et ont atteint un échelon de leur grade déterminé par décret en Conseil d'Etat. / Les conseillers qui justifient, avant leur nomination en cette qualité, d'une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d'une durée d'au moins quatre ans dans des fonctions d'un niveau équivalent à celles de la catégorie A, sont réputés avoir accompli la mobilité prévue à l'alinéa précédent. / Dans la limite de deux ans, les services rendus au titre de l'obligation de mobilité dans le grade de conseiller sont assimilés à des services effectifs dans les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ». Aux termes de l'article L. 234-2-2 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 24 ° de l'article 7 de l'ordonnance : « Peuvent être promus au grade de président les premiers conseillers justifiant de huit ans de services effectifs et ayant accompli une mobilité statutaire d'au moins deux ans. / Dans la limite de deux ans, les services rendus au titre de l'obligation de mobilité dans le grade de premier conseiller sont assimilés à des services effectifs dans les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ».

23. D'autre part, il résulte des dispositions introduites par le b) du 13 ° de l'article 8 de l'ordonnance qui modifient l'article L. 122-3 du code des juridictions financières que pour être nommés conseillers maîtres à la Cour des comptes, les conseillers référendaires doivent avoir accompli une mobilité statutaire dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

24. Les dispositions citées aux points 22 et 23, relatives aux conditions générales d'intégration des administrateurs de l'Etat ayant choisi, à la sortie de l'Institut national du service public, d'être magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à l'avancement des magistrats administratifs et des membres de la Cour des comptes sont applicables au litige au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

25. Les dispositions de l'article L. 233-2 du code de justice administrative citées au point 22 n'instituent pas, contrairement à ce qui est soutenu, une obligation de mobilité, de sorte que la contestation de constitutionnalité qui est formulée à leur égard en tant qu'elles introduiraient une telle obligation ne peut qu'être écartée. Seules les dispositions des articles L. 234-2-1 et L. 234-2-2 du code de justice administrative, qui ne sont pas, en tout état de cause, entachées d'incompétence négative, soumettent l'avancement des magistrats administratifs à une obligation de double mobilité, alors en outre que les services effectifs accomplis en qualité d'administrateur de l'Etat sont pris en compte pour l'application de l'article L. 234-2-1. Cette obligation ne porte pas atteinte au principe qu'invoquent les requérants selon lequel les fonctions juridictionnelles sont, en principe, exercées par des personnes qui entendent y consacrer leur vie professionnelle. En outre, elle n'est contraire, par elle-même, ni aux principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 , ni au principe d'égalité devant la loi qui n'impose pas de prendre en compte les différences de situation pouvant exister entre les magistrats tenus d'effectuer une mobilité et découlant de leur situation familiale ou du lieu d'exercice de leurs fonctions. Ne porte pas davantage atteinte au principe d'indépendance la mobilité instaurée par les dispositions critiquées du code des juridictions financières qui ne sont, par ailleurs, pas entachées d'incompétence négative. Il en résulte, à supposer que ces dispositions relèvent toutes du domaine de compétence que l'article 34 de la Constitution réserve à la loi, que les questions de leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution soulevées par l'USMA, le SJA et l'AMCC, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Il n'y a pas lieu, par suite, de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre l'article 9 de l'ordonnance :

26. Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance : « I. - Le recrutement des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 133-9 du code de justice administrative et aux deux premiers alinéas de l'article L. 112-7 du code des juridictions financières dans leur rédaction issue de la présente ordonnance peut être effectué au moyen d'une procédure de sélection relevant de l'Institut national du service public et destinée à apprécier leurs compétences en matière d'action publique. Peuvent présenter leur candidature les personnes justifiant d'une durée minimale fixée par décret et au moins égale à six années de services publics effectifs en qualité d'administrateur de l'Etat, dans des corps et cadres d'emploi de niveau comparable, ou dans des fonctions d'un niveau équivalent. / Un jury sélectionne les candidats qui exercent leur choix entre les postes offerts par ordre de mérite. / Pour le Conseil d'Etat et pour la Cour des comptes, le nombre des recrutements effectués par la voie de cette procédure est fixé annuellement par arrêté du Premier ministre sur propositions du vice-président du Conseil d'Etat et du premier président de la Cour des comptes. / Les maîtres des requêtes en service extraordinaires recrutés au titre de cette procédure ayant exercé pendant dix-huit mois au moins peuvent être intégrés sur proposition de la commission d'intégration mentionnée à l'article L. 133-12-3 du code de justice administrative, qui se prononce dans les conditions fixées à l'article L. 133-12-4 de ce code. Pour l'application de l'article L. 133-12 du même code, au moins une nomination au grade de maître des requêtes est réservée à un maître des requêtes en service extraordinaire recruté en application de la présente procédure. / Les conseillers référendaires en service extraordinaires recrutés au titre de cette procédure ayant exercé pendant dix-huit mois au moins peuvent être intégrés sur proposition de la commission d'intégration mentionnée à l'article L. 122-9 du code des juridictions financières, qui se prononce dans les conditions fixées à l'article L. 122-10 de ce code. Pour l'application de l'article L. 122-5 du même code, au moins une nomination au grade de maître des requêtes est réservée à un conseiller référendaire en service extraordinaire recruté en application de la présente procédure. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent I. / (...) ».

27. Ces dispositions qui prévoient une voie particulière d'accès aux fonctions de maître des requêtes en service extraordinaire au Conseil d'Etat et de conseiller référendaire en service extraordinaire à la Cour des comptes dans le cadre d'une procédure de sélection relevant de l'Institut national du service public sont applicables au litige au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

28. En premier lieu, il résulte des termes mêmes des dispositions critiquées que l'arrêté du Premier ministre prévu par l'article 9 de l'ordonnance est tenu de retenir le nombre des recrutements par cette voie au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes respectivement proposé par le vice-président du Conseil d'Etat et par le premier président de la Cour des comptes. En deuxième lieu, les dispositions critiquées ne sont, en tout état de cause, pas entachées d'incompétence négative, le législateur pouvant, sans méconnaître l'article 34 de la Constitution, renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la composition du jury sélectionnant les candidats à cette voie de recrutement, alors par ailleurs qu'il ne lui appartient pas de fixer une limite quant au nombre de personnes recrutées au titre des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance. En troisième lieu, les dispositions de cet article relatives aux modalités d'intégration des intéressés, qui comportent des spécificités par rapport à celles des autres maîtres des requêtes en service extraordinaire ou des autres conseillers référendaires en service extraordinaire, ne méconnaissent pas davantage, par elles-mêmes, les exigences résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 selon lequel « Tous les citoyens (...) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Il en résulte, à supposer que ces dispositions relèvent toutes du domaine de compétence que l'article 34 de la Constitution réserve à la loi, que les questions de leur conformité aux exigences constitutionnelles invoquées à l'appui des questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par l'AAEENA et autres, l'AMCC et l'USMA, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

29. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel que les questions prioritaires de constitutionnalité mentionnées aux points 7 et 21.

D E C I D E :
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Article 1er : Les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, des dispositions du 13 ° de l'article 7 de l'ordonnance en ce qu'elles créent les articles L. 133-12-3 et L. 133-12-4 du code de justice administrative et du 16 ° de l'article 8 de l'ordonnance en ce qu'elles créent les articles L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières sont renvoyées au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il n'y pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les autres questions prioritaires de constitutionnalité.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur les requêtes de l'Union syndicale des magistrats administratifs, du Syndicat de la juridiction administrative, de l'association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration et autres, de l'Association des magistrats de la Cour des comptes jusqu'à ce que le Conseil Constitutionnel ait tranché les questions de constitutionnalité ainsi soulevées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union syndicale des magistrats administratifs, au Syndicat de la juridiction administrative, à l'association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration, première requérante dénommée, à l'Association des magistrats de la Cour des comptes, à la ministre de la transformation et de la fonction publiques et au Premier ministre.
Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.