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Décision n° 2018-750/751 QPC du 7 décembre 2018 - Décision de renvoi Cass. 1

Société Long Horn International et autre [Régime juridique de l'octroi de mer]
Conformité

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du jeudi 27 septembre 2018
N° de pourvoi : 18-12084
Non publié au bulletin Qpc incidente - renvoi au cc

Mme Mouillard (président), président
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'à l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Fort-de-France le 3 octobre 2017 (RG n° 16/00726), la société Long Horn International a demandé, par mémoire spécial, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions des articles 1, 2, 4 à 7, 28, 29 et 37 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 sont-elles conformes aux principes d'égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

Attendu que les dispositions critiquées, en leur version initiale, applicable au litige, prévoient :

Article 1er : Dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, les opérations suivantes sont soumises à une taxe dénommée octroi de mer :
1 ° L'importation de marchandises ;
2 ° Les livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui y exercent des activités de production.
La livraison d'un bien s'entend du transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire.
Article 2 : Toute personne qui exerce de manière indépendante une activité de production dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique ou de La Réunion est assujettie à l'octroi de mer, quels que soient son statut juridique et sa situation au regard des autres impôts.
Sont considérées comme des activités de production les opérations de fabrication, de transformation ou de rénovation de biens meubles corporels, ainsi que les opérations agricoles et extractives.

Article 4 : Sont exonérées de l'octroi de mer :
1 ° Les livraisons dans la région de La Réunion de biens expédiés ou transportés hors de cette région par l'assujetti, par l'acquéreur qui n'est pas établi dans cette région ou pour leur compte ;

2 ° Les livraisons dans le territoire du marché unique antillais de biens expédiés ou transportés hors de ce territoire par l'assujetti, par l'acquéreur qui n'est pas établi dans ce territoire ou pour leur compte.
Cette exonération ne s'applique pas aux livraisons de biens expédiés ou transportés hors de ce territoire à destination de la région de Guyane ;

3 ° Les livraisons dans la région de Guyane de biens expédiés ou transportés hors de cette région par l'assujetti, par l'acquéreur qui n'est pas établi dans cette région ou pour leur compte.
Cette exonération ne s'applique pas aux biens expédiés ou transportés hors de cette région à destination du territoire du marché unique antillais ;

4 ° Les importations dans la région de Guyane de produits dont la livraison a été taxée dans l'une des régions formant le marché unique antillais et les importations dans le territoire du marché unique antillais de biens dont la livraison a été taxée dans la région de Guyane.

Article 5 : Sont également exonérées de l'octroi de mer les livraisons de biens faites par des personnes assujetties à l'octroi de mer dont le chiffre d'affaires relatif à leur activité de production définie à l'article 2 est inférieur à 550 000 EUR pour l'année civile précédente.
La limite de 550 000 EUR est ajustée au prorata du temps d'exploitation pour les personnes qui ont débuté leur activité au cours de l'année de référence. Elle s'apprécie en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'octroi de mer lui-même.
Toutefois, lorsqu'une exonération résultant de l'application du premier alinéa aurait pour effet d'impliquer une réduction d'un taux d'octroi de mer perçu à l'importation, les conseils régionaux peuvent ne pas exonérer de l'octroi de mer les opérations des personnes mentionnées au premier alinéa afin d'éviter cette réduction de taux.

Article 6 : Les conseils régionaux peuvent exonérer l'importation de marchandises, lorsqu'il s'agit :
1 ° De matériels d'équipement destinés à l'industrie hôtelière et touristique ainsi que de produits, matériaux de construction, engrais et outillages industriels et agricoles figurant sur la liste prévue au a du 5 ° du 1 de l'article 295 du code général des impôts et qui sont destinés à une personne exerçant une activité économique au sens de l'article 256 A du même code ;
2 ° De matières premières destinées à des activités locales de production ;
3 ° D'équipements destinés à l'accomplissement des missions régaliennes de l'Etat ;
4 ° D'équipements sanitaires destinés aux établissements de santé publics ou privés ;
5 ° De biens réimportés, dans l'état où ils ont été exportés, par la personne qui les a exportés et qui bénéficient de la franchise des droits de douane ou en bénéficieraient s'ils étaient soumis à des droits de douane.

Article 7 : Les conseils régionaux peuvent exonérer les livraisons de biens produits localement par des entreprises autres que celles visées à l'article 5.

Ces exonérations prennent la forme d'un taux réduit ou d'un taux zéro. Le taux est arrêté dans les limites fixées à l'article 28.

Article 28 : Lorsque le conseil régional exonère totalement ou partiellement les livraisons de biens faites par les personnes assujetties à l'octroi de mer dont le chiffre d'affaires relatif à leur activité de production mentionnée à l'article 2 est égal ou supérieur à 550 000 euros pour l'année civile précédente, la différence entre le taux applicable aux importations de marchandises et le taux zéro ou le taux réduit applicable aux livraisons de biens faites par ces personnes ne peut excéder :
1 ° Dix points de pourcentage pour les produits mentionnés dans la partie A de l'annexe à la décision 2004/162/CE du Conseil du 10 février 2004 relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE ;
2 ° Vingt points de pourcentage pour les produits mentionnés dans la partie B de la même annexe ;
3 ° Trente points de pourcentage pour les produits mentionnés dans la partie C de la même annexe.
Les dispositions du présent article sont également applicables lorsque le conseil régional fait usage, en application de l'article 5, de la possibilité de ne pas exonérer de l'octroi de mer les opérations des personnes mentionnées au même article.

Article 29 : Lorsque des biens sont produits localement par des assujettis dont les livraisons de biens sont exonérées en application de l'article 5, la différence de taux entre les importations de marchandises et les livraisons de biens produits localement par ces assujettis ne peut excéder :
1 ° Quinze points de pourcentage pour les produits mentionnés dans la partie A de l'annexe à la décision 2004/162/CE du 10 février 2004 du Conseil précitée ;
2 ° Vingt-cinq points de pourcentage pour les produits mentionnés dans la partie B de la même annexe ;
3 ° Trente-cinq points de pourcentage pour les produits mentionnés dans la partie C de la même annexe ;
4 ° Cinq points de pourcentage pour les autres produits.

Article 37 : I. - Les conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion peuvent instituer, au profit de la région, un octroi de mer régional ayant la même assiette que l'octroi de mer.
Sont exonérées de l'octroi de mer régional les opérations mentionnées aux articles 4 et 8 ainsi que celles exonérées en application de l'article 5.

Indépendamment des décisions qu'ils prennent au titre des articles 6 et 7, les conseils régionaux peuvent exonérer de l'octroi de mer régional les opérations mentionnées à ces articles dans les conditions prévues pour l'exonération de l'octroi de mer.
Sous réserve des dispositions du II et du III du présent article, le régime d'imposition à l'octroi de mer régional et les obligations des assujettis sont ceux applicables à l'octroi de mer.
II. - Les taux de l'octroi de mer régional ne peuvent excéder 2,5 %.
III. - L'institution de l'octroi de mer régional, les exonérations qui résultent de l'application du I et la fixation du taux de cette taxe ne peuvent avoir pour effet de porter la différence entre le taux global de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional applicable aux importations de marchandises et le taux global des deux mêmes taxes applicable aux livraisons de biens faites dans la région par les assujettis au-delà des limites fixées aux articles 28 et 29.

Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige, lequel concerne le remboursement de sommes acquittées au titre de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional par une société commerciale exerçant son activité dans le département de la Guadeloupe ;

Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Qu'elles ne se bornent pas à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive ou des dispositions d'un règlement de l'Union européenne et peuvent dès lors être soumises au contrôle du Conseil constitutionnel ;

Que la question posée présente un caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, dès lors qu'il résulte des dispositions critiquées que l'octroi de mer et l'octroi de mer régional, acquittés à l'occasion de l'introduction de marchandises dans les départements d'outre-mer, entraînent une disparité de traitement entre les producteurs et les importateurs métropolitains et ultra-marins ainsi qu'entre les ultra-marins eux-mêmes, en ce que sont exonérés les services, certaines entreprises en raison de leur taille et certaines des marchandises importées ;

D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-huit.