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Décision n° 2017-677 QPC du 1er décembre 2017 - Décision de renvoi CE

Ligue des droits de l'Homme [Contrôles d'identité, fouilles de bagages et visites de véhicules dans le cadre de l'état d'urgence]
Non conformité totale - effet différé

Conseil d'État
N° 411771
ECLI : FR : CECHR : 2017 : 411771.20170922
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Vincent Villette, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats

lecture du vendredi 22 septembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

La Ligue des droits de l'homme, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 6 avril 2017 du préfet de police autorisant les officiers de police judiciaire à procéder à des contrôles d'identité, à l'inspection visuelle et la fouille des bagages ainsi qu'à la visite des véhicules dans les transports en commun de voyageurs par voie ferrée de Paris, a produit un mémoire, enregistré le 25 avril 2017 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1706126 du 21 juin 2017, enregistrée le 22 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la Ligue des droits de l'homme, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 8-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Ligue des droits de l'homme ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article 4 de la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste a inséré un article 8-1 dans la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, aux termes duquel : « Dans les zones mentionnées à l'article 2 de la présente loi, le préfet peut autoriser, par décision motivée, les agents mentionnés aux 2 ° à 4 ° de l'article 16 du code de procédure pénale et, sous leur responsabilité, ceux mentionnés à l'article 20 et aux 1 °, 1 ° bis et 1 ° ter de l'article 21 du même code à procéder aux contrôles d'identité prévus au huitième alinéa de l'article 78-2 dudit code, à l'inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu'à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. / La décision du préfet désigne les lieux concernés, qui doivent être précisément définis, ainsi que la durée de l'autorisation, qui ne peut excéder vingt-quatre heures. / Les trois derniers alinéas du II et les deux derniers alinéas du III de l'article 78-2-2 du même code sont applicables aux opérations conduites en application du présent article. / La décision du préfet mentionnée au premier alinéa du présent article est transmise sans délai au procureur de la République ».

3. L'article 8-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est applicable au litige. Cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit au respect de la vie privée, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 8-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Ligue des droits de l'homme et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au greffe du tribunal administratif de Paris.