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Décision n° 2014-431 QPC du 28 novembre 2014 - Décision de renvoi CE

Sociétés ING Direct NV et ING Bank NV [Impôts sur les sociétés - agrément ministériel autorisant le report de déficits non encore déduits]
Conformité - réserve

Conseil d'État

N° 376800
ECLI : FR : CESSR : 2014 : 376800.20140919
Inédit au recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
M. Mathieu Herondart, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats

lecture du vendredi 19 septembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ING Direct NV a demandé au tribunal administratif de Montreuil le rétablissement de ses déficits reportables à concurrence d'une somme de 40 970 922 euros. Par un jugement n° 0910388 du 19 mai 2011, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11VE02595 du 30 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement du tribunal administratif de Versailles par la société ING Direct NV.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un mémoire présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 juin et 29 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés ING Direct NV et ING Bank NV demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur pourvoi contre l'arrêt n° 11VE02595 du 30 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution des dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002.

Les sociétés ING Direct NV et ING Bank NV soutiennent que ces dispositions sont entachées d'incompétence négative au regard de l'article 34 de la Constitution ; qu'en laissant un pouvoir discrétionnaire à l'administration, elles affectent le principe d'égalité devant l'impôt et le principe d'égalité devant les charges publiques.

Par un mémoire, enregistré le 8 août 2014, le ministre des finances et des comptes publics soutient que les conditions posées par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que les dispositions du II de l'article 209 ne sont pas applicables au litige et que la question prioritaire de constitutionnalité ne présente ni un caractère sérieux, ni un caractère nouveau ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, notamment son article 209 ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société ING DIRECT NV et de la société ING BANK NV.

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 : « 1. Sous réserve d'un agrément préalable délivré par le ministre de l'économie et des finances et dans la mesure définie par cet agrément, les fusions de société et opérations assimilées qui entrent dans les prévisions de l'article 210 A peuvent ouvrir droit, dans la limite édictée au I, troisième alinéa, au report des déficits antérieurs non encore déduits soit par les sociétés apporteuses, soit par les sociétés bénéficiaires des apports, sur les bénéfices ultérieurs » ;

3. Considérant que ces dispositions sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que le législateur, en ne précisant pas à quelles conditions l'agrément permettant d'obtenir le report des déficits antérieurs à une fusion de sociétés ou à une opération assimilée peut être délivré, a méconnu l'étendue de la compétence qui lui est confiée par l'article 34 de la Constitution et de ce que cette méconnaissance affecte par elle-même le principe d'égalité devant l'impôt et le principe d'égalité devant les charges publiques soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions précitées ;

D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts, dans leur rédaction antérieure à la loi de finances pour 2002, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi des sociétés ING Direct NV et ING Bank NV jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société ING Direct NV, à la société ING Bank NV et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Premier ministre.