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Décision n° 2012-281 QPC du 12 octobre 2012 - Décision de renvoi CE

Syndicat de défense des fonctionnaires [Maintien de corps de fonctionnaires dans l'entreprise France Télécom]
Conformité

Conseil d'État

N° 356381
ECLI : FR : CESSR : 2012 : 356381.20120723
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
2ème et 7ème sous-sections réunies
M. Edmond Honorat, président
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public
SCP DELVOLVE, DELVOLVE ; SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER, MEIER-BOURDEAU ; SCP DIDIER, PINET, avocats

lecture du lundi 23 juillet 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1 °), sous le n° 356381, le mémoire, enregistré le 2 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le Syndicat de défense des fonctionnaires, dont le siège est 17, rue Jean XXIII, B.P. 60249 à Mérignac (33698) ; le Syndicat de défense des fonctionnaires demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décrets n° 2011-1669 du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des agents d'exploitation du service général de France Télécom, n° 2011-1670 du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des aides-techniciens des installations de France Télécom, n° 2011-1671 du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des contrôleurs de France Télécom, n° 2011-1672 du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires de France Télécom, n° 2011-1673 du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des techniciens des installations de France Télécom, n° 2011-1674 du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des ouvriers d'Etat de France Télécom et du corps des contremaîtres de France Télécom, n° 2011-1675 du 29 novembre 2011 relatif aux statuts particuliers des corps du service des lignes de France Télécom, n° 2011-1676 du 29 novembre 2011 relatif aux statuts particuliers du corps des dessinateurs de France Télécom et du corps des dessinateurs-projeteurs de France Télécom, n° 2011-1677 du 29 novembre 2011 relatif aux statuts particuliers des corps du service automobile de France Télécom, n° 2011-1678 du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des infirmiers et infirmières médicaux de France Télécom et n° 2011-1679 du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs de France Télécom, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003, de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990, de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 dans sa rédaction issue de la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 et complété par l'article 4 de la loi du 31 décembre 2003, de l'article 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 2003 et de l'article 44 de la loi du 2 juillet 1990, ainsi que des articles 2 et 8 de la loi du 31 décembre 2003 en tant qu'ils ont supprimé les missions de service public dont France Télécom avait la charge ;

Vu 2 °), sous le n° 356386, le mémoire, enregistré le 2 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le Syndicat de défense des fonctionnaires, dont le siège est 17, rue Jean XXIII, B.P. 60249 à Mérignac (33698) ; le Syndicat de défense des fonctionnaires demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décrets n° 2011-1682 du 29 novembre 2011 portant classement hiérarchique de certains grades des personnels de France Télécom et n° 2011-1683 du 29 novembre 2011 fixant l'échelonnement indiciaire de certains grades de France Télécom, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des mêmes dispositions que celles mises en cause sous le n° 356381 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 ;

Vu les articles 1-1, 29, 29-1, 29-2 et 44 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 et les articles 2 et 8 de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

  • le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,

  • les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat du Syndicat de défense des fonctionnaires, et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat du ministre du redressement productif,

  • les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat du Syndicat de défense des fonctionnaires, et à la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat du ministre du redressement productif ;

Considérant que les mémoires présentés à l'appui des requêtes n°s 356381 et 356386 mettent en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des mêmes dispositions législatives ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 1-1 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom, dans sa rédaction résultant en dernier lieu de la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, l'entreprise France Télécom est régie par les dispositions applicables aux sociétés anonymes sous réserve des dispositions particulières de la loi du 2 juillet 1990 ; que les articles 2 et 8 de la loi du 31 décembre 2003 ont modifié la loi du 2 juillet 1990 pour, notamment, abroger les dispositions qui, auparavant, confiaient directement à France Télécom l'exercice de missions de service public dans le domaine des télécommunications ;

Considérant, d'autre part, que l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 a prévu que les personnels de France Télécom sont régis par des statuts particuliers pris en application des dispositions du statut général de la fonction publique de l'Etat ; que l'article 44 de la loi du 2 juillet 1990 avait placé de plein droit sous l'autorité du président de France Télécom les personnels en activité affectés au 31 décembre 1990 dans les emplois relevant de la direction générale des télécommunications ; qu'en vertu de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, modifié notamment par la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom et par la loi du 31 décembre 2003, les corps de fonctionnaires de France Télécom rattachés à cette entreprise sont placés sous l'autorité de son président, qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard, l'entreprise ne pouvant plus procéder à des recrutements externes de fonctionnaires à compter du 1er janvier 2002 et pouvant employer librement des agents contractuels sous le régime des conventions collectives ; que, selon l'article 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 résultant de la loi du 31 décembre 2003, les pouvoirs nécessaires à la nomination et à la gestion, sauf pour le prononcé de sanctions disciplinaires du quatrième groupe, des fonctionnaires présents dans l'entreprise ont été confiés au président de France Télécom durant la période transitoire liée à la présence de fonctionnaires dans l'entreprise ;

Considérant que le Syndicat de défense des fonctionnaires soutient, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir de plusieurs décrets du 29 novembre 2011 relatifs à des dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires de corps rattachés à France Télécom ou à l'échelonnement indiciaire et au classement de certains grades de France Télécom, que les dispositions des articles 1-1, 29, 29-1, 29-2 et 44 de la loi du 2 juillet 1990 ainsi que celles des articles 2 et 8 de la loi du 31 décembre 2003 portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

Considérant, en premier lieu, que l'article 44 de la loi du 2 juillet 1990, dont l'objet transitoire a été de rattacher aux exploitants publics La Poste et France Télécom les personnels en activité au 31 décembre 1990 au sein de la direction générale de la poste et de la direction générale des télécommunications, ne tient pas lieu de fondement aux décrets du 29 novembre 2011 dont le syndicat requérant demande l'annulation et n'est, par suite, pas applicable aux litiges dont le Conseil d'Etat est saisi ; qu'en revanche, les autres dispositions législatives contestées, dans leur rédaction applicable à la date des décrets du 29 novembre 2011, dont la combinaison a pour effet de maintenir le rattachement de corps des fonctionnaires à une entreprise qui est régie par les dispositions applicables aux sociétés anonymes et n'est plus investie par la loi de missions de service public, sont applicables aux litiges au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1996, a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article 1-1 de la loi du 2 juillet 1990 dans leur rédaction résultant de la loi du 26 juillet 1996, ni les dispositions de cet article 1-1, dans leur rédaction applicable aux présents litiges résultant de la loi du 31 décembre 2003, ni les autres dispositions législatives critiquées et applicables aux litiges n'ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à l'appui des questions prioritaires de constitutionalité soulevées, le syndicat requérant se prévaut notamment d'un principe de valeur constitutionnelle en vertu duquel des corps de fonctionnaires ne pourraient être constitués et maintenus qu'en vue de pourvoir à l'exécution de missions de service public ; que ce moyen soulève une question nouvelle au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 1-1, 29, 29-1 et 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 et aux articles 2 et 8 de la loi du 31 décembre 2003 ;

D E C I D E :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles 1-1, 29, 29-1 et 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 et des articles 2 et 8 de la loi du 31 décembre 2003 est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes du Syndicat de défense des fonctionnaires jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat de défense des fonctionnaires et au ministre du redressement productif.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.