Décision

Décision n° 2024-869 DC du 20 juin 2024

Loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels
Non conformité partielle - réserve

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, sous le n° 2024-869 DC, le 22 mai 2024, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ÉTIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER et Léo WALTER, députés.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code pénal ;
  • le code des procédures civiles d’exécution ;
  • le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;

Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 10 juin 2024 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 16.

- Sur certaines dispositions de l’article 16 :

2. Le d du 1 ° du paragraphe I de l’article 16 de la loi déférée complète l’article 131-21 du code pénal afin de prévoir que la décision définitive de confiscation d’un bien immobilier prononcée à titre de peine vaut titre d’expulsion à l’encontre de la personne condamnée et de tout occupant de son chef.

3. Les députés requérants reprochent à ces dispositions d’autoriser l’expulsion automatique des occupants d’un bien immobilier confisqué, alors même que ces derniers seraient étrangers à l’infraction commise par la personne condamnée. Ils dénoncent en outre l’imprécision de la notion d’« occupant de son chef », qui serait laissée à l’appréciation du commissaire de justice lors de l’exécution du titre d’expulsion. Ils font par ailleurs valoir que l’exception prévue en faveur de l’occupant titulaire d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage ne constituerait pas une garantie suffisante, dès lors qu’il ne pourrait justifier de la régularité de son titre d’occupation que devant le juge de l’exécution et que ce dernier n’aurait pas le pouvoir d’annuler la décision valant expulsion. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du « principe de sûreté », du droit au respect de la vie privée, du principe de l’inviolabilité du domicile, du droit de mener une vie familiale normale, du droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense, ainsi que de l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent et de celui d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

4. Selon l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile.

5. Aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.

6. En application de l’article 131-21 du code pénal, le juge peut prononcer, à titre de peine complémentaire, la confiscation d’un bien immobilier dont la personne condamnée est propriétaire. Dans ce cas, le bien est dévolu à l’État.

7. Les dispositions contestées prévoient que la décision définitive de confiscation constitue un titre d’expulsion à l’encontre tant de la personne condamnée que de tout occupant de son chef. Elles précisent que n’est pas considérée comme occupant du chef du condamné la personne de bonne foi titulaire d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur tout ou partie du bien confisqué, à condition que cette convention ait été conclue avant la décision de saisie et qu’elle ait été régulièrement exécutée par les deux parties.

8. En premier lieu, par ces dispositions, le législateur a entendu renforcer l’efficacité de la peine de confiscation en facilitant l’expulsion des occupants du bien concerné. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.

9. En deuxième lieu, d’une part, il résulte des termes « tout occupant de son chef », qui ne sont pas imprécis, que la décision définitive de confiscation vaut titre d’expulsion uniquement pour les personnes qui ne disposent pas d’un titre d’occupation et tiennent exclusivement de la personne condamnée leur droit d’occuper le bien confisqué. Peuvent notamment être expulsés des membres de la famille de la personne condamnée. Toutefois, il appartiendra au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de la personne condamnée.

10. D’autre part, conformément à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’expulsion des occupants du chef de la personne condamnée ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant un commandement d’avoir à libérer les locaux. Ces derniers peuvent en outre saisir le juge de l’exécution sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code et faire ainsi valoir leur situation personnelle et familiale afin d’obtenir des délais renouvelables, lorsque leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

11. En dernier lieu, les dispositions contestées prévoient que les personnes titulaires d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur le bien confisqué ne peuvent pas être considérées comme occupant du chef de la personne condamnée, sous réserve que cette convention ait été conclue de bonne foi. En cas de contestation, il revient au juge de l’exécution de s’assurer que ces conditions sont réunies.

12. En revanche, ces dispositions prévoient en outre que cette convention doit avoir été conclue avant la décision de saisie et régulièrement exécutée par les deux parties. Ce faisant, elles peuvent conduire à l’expulsion de l’occupant de bonne foi au motif que la convention a été conclue après une saisie alors que celle-ci n’est pas systématique et qu’il n’en a pas nécessairement connaissance, ainsi que dans le cas où l’inexécution est imputable à la personne condamnée. Elles méconnaissent ainsi les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789.

13. Il résulte de ce qui précède que les mots « si cette convention a été conclue avant la décision de saisie et a été régulièrement exécutée par les deux parties » figurant à la seconde phrase du d du 1 ° du paragraphe I de l’article 16 de la loi déférée sont contraires à la Constitution.

14. Le reste de cette seconde phrase et, sous la réserve énoncée au paragraphe 9, les mots « et de tout occupant de son chef » figurant à la première phrase du d du 1 ° du paragraphe I du même article ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

15. Par conséquent, sous la même réserve, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit de mener une vie familiale normale, les droits de la défense et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur les autres dispositions :

16. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Les mots « si cette convention a été conclue avant la décision de saisie et a été régulièrement exécutée par les deux parties » figurant à la seconde phrase du d du 1 ° du paragraphe I de l’article 16 de la loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels sont contraires à la Constitution.
 
Article 2. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 9, les mots « et de tout occupant de son chef » figurant à la première phrase du dernier alinéa de l’article 131-21 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l’article 16 de la loi déférée, sont conformes à la Constitution.
 
Article 3. - Les mots « N’est pas considérée comme occupant du chef du condamné la personne de bonne foi titulaire d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur tout ou partie du bien confisqué » figurant à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 131-21 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l’article 16 de la loi déférée, sont conformes à la Constitution.
 
Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 juin 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 20 juin 2024.
 

JORF n°0148 du 25 juin 2024, texte n° 2
ECLI : FR : CC : 2024 : 2024.869.DC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.3. Droit au recours
  • 4.2.2.3.3. Procédure civile

Saisi de dispositions prévoyant que la décision définitive de confiscation constitue un titre d’expulsion à l’encontre tant de la personne condamnée que de tout occupant de son chef, le Conseil constitutionnel les examine sur le fondement des exigences résultant à la fois de l'article 2 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En application de l’article 131-21 du code pénal, le juge peut prononcer, à titre de peine complémentaire, la confiscation d’un bien immobilier dont la personne condamnée est propriétaire. Dans ce cas, le bien est dévolu à l’État. Les dispositions contestées prévoient que la décision définitive de confiscation constitue un titre d’expulsion à l’encontre tant de la personne condamnée que de tout occupant de son chef. Elles précisent que n’est pas considérée comme occupant du chef du condamné la personne de bonne foi titulaire d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur tout ou partie du bien confisqué, à condition que cette convention ait été conclue avant la décision de saisie et qu’elle ait été régulièrement exécutée par les deux parties. En premier lieu, par ces dispositions, le législateur a entendu renforcer l’efficacité de la peine de confiscation en facilitant l’expulsion des occupants du bien concerné. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. En deuxième lieu, d’une part, il résulte des termes « tout occupant de son chef », qui ne sont pas imprécis, que la décision définitive de confiscation vaut titre d’expulsion uniquement pour les personnes qui ne disposent pas d’un titre d’occupation et tiennent exclusivement de la personne condamnée leur droit d’occuper le bien confisqué. Peuvent notamment être expulsés des membres de la famille de la personne condamnée. Toutefois, il appartiendra au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de la personne condamnée. D’autre part, conformément à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’expulsion des occupants du chef de la personne condamnée ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant un commandement d’avoir à libérer les locaux. Ces derniers peuvent en outre saisir le juge de l’exécution sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code et faire ainsi valoir leur situation personnelle et familiale afin d’obtenir des délais renouvelables, lorsque leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales. En dernier lieu, les dispositions contestées prévoient que les personnes titulaires d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur le bien confisqué ne peuvent pas être considérées comme occupant du chef de la personne condamnée, sous réserve que cette convention ait été conclue de bonne foi. En cas de contestation, il revient au juge de l’exécution de s’assurer que ces conditions sont réunies. En revanche, ces dispositions prévoient en outre que cette convention doit avoir été conclue avant la décision de saisie et régulièrement exécutée par les deux parties. Ce faisant, elles peuvent conduire à l’expulsion de l’occupant de bonne foi au motif que la convention a été conclue après une saisie alors que celle-ci n’est pas systématique et qu’il n’en a pas nécessairement connaissance, ainsi que dans le cas où l’inexécution est imputable à la personne condamnée. Elles méconnaissent ainsi les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789. Il résulte de ce qui précède que les mots « si cette convention a été conclue avant la décision de saisie et a été régulièrement exécutée par les deux parties » figurant à la seconde phrase du d du 1° du paragraphe I de l’article 16 de la loi déférée sont contraires à la Constitution. Le reste de cette seconde phrase et, sous la réserve précédemment énoncée, les mots « et de tout occupant de son chef » figurant à la première phrase du d du 1° du paragraphe I du même article ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

(2024-869 DC, 20 juin 2024, cons. 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, JORF n°0148 du 25 juin 2024, texte n° 2)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.3. Inviolabilité du domicile (voir également ci-dessous Liberté individuelle)

Saisi de dispositions prévoyant que la décision définitive de confiscation constitue un titre d’expulsion à l’encontre tant de la personne condamnée que de tout occupant de son chef, le Conseil constitutionnel les examine sur le fondement des exigences résultant à la fois de l'article 2 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En application de l’article 131-21 du code pénal, le juge peut prononcer, à titre de peine complémentaire, la confiscation d’un bien immobilier dont la personne condamnée est propriétaire. Dans ce cas, le bien est dévolu à l’État. Les dispositions contestées prévoient que la décision définitive de confiscation constitue un titre d’expulsion à l’encontre tant de la personne condamnée que de tout occupant de son chef. Elles précisent que n’est pas considérée comme occupant du chef du condamné la personne de bonne foi titulaire d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur tout ou partie du bien confisqué, à condition que cette convention ait été conclue avant la décision de saisie et qu’elle ait été régulièrement exécutée par les deux parties. En premier lieu, par ces dispositions, le législateur a entendu renforcer l’efficacité de la peine de confiscation en facilitant l’expulsion des occupants du bien concerné. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. En deuxième lieu, d’une part, il résulte des termes « tout occupant de son chef », qui ne sont pas imprécis, que la décision définitive de confiscation vaut titre d’expulsion uniquement pour les personnes qui ne disposent pas d’un titre d’occupation et tiennent exclusivement de la personne condamnée leur droit d’occuper le bien confisqué. Peuvent notamment être expulsés des membres de la famille de la personne condamnée. Toutefois, il appartiendra au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de la personne condamnée. D’autre part, conformément à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’expulsion des occupants du chef de la personne condamnée ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant un commandement d’avoir à libérer les locaux. Ces derniers peuvent en outre saisir le juge de l’exécution sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code et faire ainsi valoir leur situation personnelle et familiale afin d’obtenir des délais renouvelables, lorsque leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales. En dernier lieu, les dispositions contestées prévoient que les personnes titulaires d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur le bien confisqué ne peuvent pas être considérées comme occupant du chef de la personne condamnée, sous réserve que cette convention ait été conclue de bonne foi. En cas de contestation, il revient au juge de l’exécution de s’assurer que ces conditions sont réunies. En revanche, ces dispositions prévoient en outre que cette convention doit avoir été conclue avant la décision de saisie et régulièrement exécutée par les deux parties. Ce faisant, elles peuvent conduire à l’expulsion de l’occupant de bonne foi au motif que la convention a été conclue après une saisie alors que celle-ci n’est pas systématique et qu’il n’en a pas nécessairement connaissance, ainsi que dans le cas où l’inexécution est imputable à la personne condamnée. Elles méconnaissent ainsi les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789. Il résulte de ce qui précède que les mots « si cette convention a été conclue avant la décision de saisie et a été régulièrement exécutée par les deux parties » figurant à la seconde phrase du d du 1° du paragraphe I de l’article 16 de la loi déférée sont contraires à la Constitution. Le reste de cette seconde phrase et, sous la réserve précédemment énoncée, les mots « et de tout occupant de son chef » figurant à la première phrase du d du 1° du paragraphe I du même article ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

(2024-869 DC, 20 juin 2024, cons. 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, JORF n°0148 du 25 juin 2024, texte n° 2)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.20. ORDRE PUBLIC ET DROIT PÉNAL
  • 16.20.25. Article 131-21 du code pénal

Saisi du dernier alinéa de l'article 131-21 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l'article 16 de la loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, qui prévoit que la décision définitive de confiscation d'un bien immobilier constitue un titre d'expulsion à l'encontre de la personne condamnée et de tout occupant de son chef, le Conseil constitutionnel constate qu'il résulte des termes « tout occupant de son chef », qui ne sont pas imprécis, que la décision définitive de confiscation vaut titre d’expulsion uniquement pour les personnes qui ne disposent pas d’un titre d’occupation et tiennent exclusivement de la personne condamnée leur droit d’occuper le bien confisqué. Peuvent notamment être expulsés des membres de la famille de la personne condamnée. Par une réserve d'interprétation, il juge que, toutefois, il appartiendra au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de la personne condamnée.

(2024-869 DC, 20 juin 2024, cons. 9, JORF n°0148 du 25 juin 2024, texte n° 2)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Texte adopté, Saisine par 60 députés, Observations du Gouvernement, Dossier législatif AN, Dossier législatif Sénat, Version PDF de la décision.
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