Décision

Décision n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024

Proposition de loi visant à réformer l’accès aux prestations sociales des étrangers
Non conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 14 mars 2024, par la présidente de l’Assemblée nationale, sous le n° 2024-6 RIP, conformément au quatrième alinéa de l’article 11 et au premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la proposition de loi visant à réformer l’accès aux prestations sociales des étrangers.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment ses articles 11 et 40 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 45-2 ;
  • la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 ;
  • le code de l’action sociale et des familles ;
  • le code de la construction et de l’habitation ;
  • le code de la sécurité sociale ;
  • les décisions du Conseil constitutionnel nos 2019-1 RIP du 9 mai 2019 et 2022-3 RIP du 25 octobre 2022 ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations du Gouvernement, enregistrées le 20 mars 2024 ;
  • les observations de M. Olivier Marleix et plusieurs autres députés, enregistrées le 27 mars 2024 ;

Et après avoir entendu les rapporteurs ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La proposition de loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution.

2. Aux termes des premier, troisième, quatrième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. « Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin ».

3. Aux termes de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus : « Le Conseil constitutionnel vérifie, dans le délai d’un mois à compter de la transmission de la proposition de loi : « 1 ° Que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ce cinquième étant calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus à la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel, arrondi au chiffre immédiatement supérieur en cas de fraction ;
« 2 ° Que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution, les délais qui y sont mentionnés étant calculés à la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel ;
« 3 ° Et qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution ».

4. En premier lieu, conformément au 1 ° de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, la proposition de loi a été présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement à la date d’enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel.

5. En deuxième lieu, il résulte du 2 ° du même article 45-2 qu’il appartient au Conseil constitutionnel, ainsi qu’il l’a relevé par sa décision du 9 mai 2019 mentionnée ci-dessus, de vérifier que, à la date d’enregistrement de la saisine, l’objet de la proposition de loi respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution. Ainsi qu’il l’a jugé tant par sa décision du 9 mai 2019 que par sa décision du 25 octobre 2022 mentionnée ci-dessus, il s’assure, en particulier, que la proposition porte sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tend à autoriser la ratification d’un traité qui aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

6. En l’espèce, la proposition de loi soumise au Conseil constitutionnel comporte cinq articles. Son article 1er instaure une condition de durée minimale de résidence en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle que doivent remplir les étrangers non ressortissants de l’Union européenne en situation régulière pour bénéficier de certaines prestations sociales. Son article 2 remplace l’aide médicale de l’État bénéficiant à certains étrangers en situation irrégulière par une aide médicale d’urgence. Son article 3 exclut les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la réduction tarifaire accordée pour certains titres de transport. Son article 4 prévoit que certains hébergements destinés aux demandeurs d’asile sont pris en compte au titre des obligations des communes tenant à la proportion de logements locatifs sociaux sur leur territoire. Son article 5 modifie les conditions auxquelles les demandeurs d’asile peuvent se maintenir dans un lieu d’hébergement ainsi que celles relatives à l’évacuation de ses occupants.

7. Au regard des modifications que cette proposition de loi apporte à certains dispositifs de prestations sociales, d’aide à la mobilité et d’hébergement susceptibles de bénéficier à des étrangers, elle porte, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique sociale de la nation.

8. Par ailleurs, à la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi n’avait pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Aucune proposition de loi portant sur le même sujet n’avait été soumise au référendum depuis deux ans.

9. Toutefois, en dernier lieu, aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». En vertu de son onzième alinéa : « Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Les exigences constitutionnelles résultant des dispositions précitées impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées.

10. Si le législateur peut prendre à l’égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Ils doivent cependant être conciliés avec la sauvegarde de l’ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. En outre, les étrangers jouissent des droits à la protection sociale, dès lors qu’ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français.

11. L’article 1er de la proposition de loi modifie les articles L. 300-1 et L. 822-2 du code de la construction et de l’habitation, l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ainsi que l’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que les étrangers non ressortissants de l’Union européenne ne bénéficient du droit au logement, de l’aide personnelle au logement, des prestations familiales et de l’allocation personnalisée d’autonomie que s’ils justifient d’une durée minimale de résidence stable et régulière en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle en France.

12. Si les exigences constitutionnelles précitées ne s’opposent pas à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales dont jouissent les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d’activité, cette durée ne saurait être telle qu’elle prive de garanties légales ces exigences.

13. En subordonnant le bénéfice de prestations sociales, dont certaines sont au demeurant susceptibles de présenter un caractère contributif, pour l’étranger en situation régulière non ressortissant de l’Union européenne, à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle d’une durée d’au moins trente mois, les dispositions de l’article 1er portent une atteinte disproportionnée à ces exigences. Elles sont donc contraires à la Constitution.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans que le Conseil constitutionnel n’ait à se prononcer sur la conformité à la Constitution de ses autres dispositions, que la proposition de loi ne remplit pas la condition prévue au 3 ° de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - La proposition de loi visant à réformer l’accès aux prestations sociales des étrangers ne satisfait pas aux conditions fixées par l’article 11 de la Constitution et par l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 avril 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 11 avril 2024.
 

JORF n°0086 du 12 avril 2024, texte n° 65
ECLI : FR : CC : 2024 : 2024.6.RIP

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.10. AUTRES DROITS ET PRINCIPES SOCIAUX
  • 4.10.1. Droit à la protection sociale (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.10.1.4. Droits à prestations des assurés sociaux et des bénéficiaires de l'aide sociale

L’article 1er de la proposition de loi modifie les articles L. 300-1 et L. 822-2 du code de la construction et de l’habitation, l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ainsi que l’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que les étrangers non ressortissants de l’Union européenne ne bénéficient du droit au logement, de l’aide personnelle au logement, des prestations familiales et de l’allocation personnalisée d’autonomie que s’ils justifient d’une durée minimale de résidence stable et régulière en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle en France. Si les exigences constitutionnelles résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ne s’opposent pas à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales dont jouissent les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d’activité, cette durée ne saurait être telle qu’elle prive de garanties légales ces exigences. En subordonnant le bénéfice de prestations sociales, dont certaines sont au demeurant susceptibles de présenter un caractère contributif, pour l’étranger en situation régulière non ressortissant de l’Union européenne, à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle d’une durée d’au moins trente mois, les dispositions de l’article 1er portent une atteinte disproportionnée à ces exigences. Elles sont donc contraires à la Constitution.

(2024-6 RIP, 11 avril 2024, cons. 11, 12, 13, JORF n°0086 du 12 avril 2024, texte n° 65)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.12. DROIT DES ÉTRANGERS ET DROIT D'ASILE
  • 4.12.3. Séjour en France
  • 4.12.3.5. Accès aux prestations sociales

L’article 1er de la proposition de loi modifie les articles L. 300-1 et L. 822-2 du code de la construction et de l’habitation, l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ainsi que l’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que les étrangers non ressortissants de l’Union européenne ne bénéficient du droit au logement, de l’aide personnelle au logement, des prestations familiales et de l’allocation personnalisée d’autonomie que s’ils justifient d’une durée minimale de résidence stable et régulière en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle en France. Si les exigences constitutionnelles résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ne s’opposent pas à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales dont jouissent les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d’activité, cette durée ne saurait être telle qu’elle prive de garanties légales ces exigences. En subordonnant le bénéfice de prestations sociales, dont certaines sont au demeurant susceptibles de présenter un caractère contributif, pour l’étranger en situation régulière non ressortissant de l’Union européenne, à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle d’une durée d’au moins trente mois, les dispositions de l’article 1er portent une atteinte disproportionnée à ces exigences. Elles sont donc contraires à la Constitution.

(2024-6 RIP, 11 avril 2024, cons. 11, 12, 13, JORF n°0086 du 12 avril 2024, texte n° 65)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.5. RÉFÉRENDUMS
  • 8.5.6. Contentieux
  • 8.5.6.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.5.6.1.2. Contrôle du respect des conditions d'organisation d'un référendum
  • 8.5.6.1.2.2. Référendum de l'article 11, alinéa 3 (voir aussi 8.5.7)

Le Conseil constitutionnel est saisi, en application du troisième alinéa de l'article 11, d'une proposition de loi visant à réformer l’accès aux prestations sociales des étrangers et examine si elle respecte bien les conditions fixées par l'article 11 de la Constitution et par l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.
En premier lieu, conformément au 1° de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, la proposition de loi a été présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement à la date d’enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel.
En deuxième lieu, il résulte du 2° du même article 45-2 qu’il appartient au Conseil constitutionnel, ainsi qu’il l’a relevé par sa décision n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019, de vérifier que, à la date d’enregistrement de la saisine, l’objet de la proposition de loi respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution. Ainsi qu’il l’a jugé tant par sa décision du 9 mai 2019 que par sa décision n° 2022-3 RIP du 25 octobre 2022, il s’assure, en particulier, que la proposition porte sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tend à autoriser la ratification d’un traité qui aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. En l’espèce, la proposition de loi soumise au Conseil constitutionnel comporte cinq articles. Son article 1er instaure une condition de durée minimale de résidence en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle que doivent remplir les étrangers non ressortissants de l’Union européenne en situation régulière pour bénéficier de certaines prestations sociales. Son article 2 remplace l’aide médicale de l’État bénéficiant à certains étrangers en situation irrégulière par une aide médicale d’urgence. Son article 3 exclut les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la réduction tarifaire accordée pour certains titres de transport. Son article 4 prévoit que certains hébergements destinés aux demandeurs d’asile sont pris en compte au titre des obligations des communes tenant à la proportion de logements locatifs sociaux sur leur territoire. Son article 5 modifie les conditions auxquelles les demandeurs d’asile peuvent se maintenir dans un lieu d’hébergement ainsi que celles relatives à l’évacuation de ses occupants. Au regard des modifications que cette proposition de loi apporte à certains dispositifs de prestations sociales, d’aide à la mobilité et d’hébergement susceptibles de bénéficier à des étrangers, elle porte, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique sociale de la nation. Par ailleurs, à la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi n’avait pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Aucune proposition de loi portant sur le même sujet n’avait été soumise au référendum depuis deux ans.
Toutefois, en dernier lieu, aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». En vertu de son onzième alinéa : « Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Les exigences constitutionnelles résultant des dispositions précitées impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées. Si le législateur peut prendre à l’égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Ils doivent cependant être conciliés avec la sauvegarde de l’ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. En outre, les étrangers jouissent des droits à la protection sociale, dès lors qu’ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français. L’article 1er de la proposition de loi modifie les articles L. 300–1 et L. 822-2 du code de la construction et de l’habitation, l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ainsi que l’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que les étrangers non ressortissants de l’Union européenne ne bénéficient du droit au logement, de l’aide personnelle au logement, des prestations familiales et de l’allocation personnalisée d’autonomie que s’ils justifient d’une durée minimale de résidence stable et régulière en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle en France. Si les exigences constitutionnelles précitées ne s’opposent pas à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales dont jouissent les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d’activité, cette durée ne saurait être telle qu’elle prive de garanties légales ces exigences. En subordonnant le bénéfice de prestations sociales, dont certaines sont au demeurant susceptibles de présenter un caractère contributif, pour l’étranger en situation régulière non ressortissant de l’Union européenne, à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle d’une durée d’au moins trente mois, les dispositions de l’article 1er portent une atteinte disproportionnée à ces exigences. Elles sont donc contraires à la Constitution.
Il résulte de ce qui précède, et sans que le Conseil constitutionnel n’ait à se prononcer sur la conformité à la Constitution de ses autres dispositions, que la proposition de loi ne remplit pas la condition prévue au 3° de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

(2024-6 RIP, 11 avril 2024, cons. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, JORF n°0086 du 12 avril 2024, texte n° 65)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.9. Absence de décision sur la conformité à la Constitution

Saisi d'une proposition de loi présentée en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution, le Conseil constitutionnel juge qu'une des dispositions de cette proposition est contraire à la Constitution. Sans qu'il soit besoin d'examiner la conformité à la Constitution des autres dispositions de la proposition de loi, le Conseil juge que cette proposition de loi ne remplit pas la condition prévue au 3° de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et est donc contraire à la Constitution.

(2024-6 RIP, 11 avril 2024, cons. 14, JORF n°0086 du 12 avril 2024, texte n° 65)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Dossier documentaire, Texte adopté, Lettre de transmission, Observations du Gouvernement, Observations complémentaires de députés, Contributions extérieures, Dossier législatif AN, Communiqué de presse, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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