Décision n° 2023-6269 AN du 27 octobre 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 avril 2023 d’une requête présentée par Mme Yaël LERER, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 8e circonscription des Français établis hors de France, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 2 et 16 avril 2023 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6269 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-6269 AN / QPC du 20 juillet 2023 ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense présenté pour M. Meyer HABIB, député, par Me Philippe Blanchetier, avocat au barreau de Paris, enregistré le 5 juillet 2023 ;
- les observations présentées par la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, enregistrées les 17 juillet et 20 septembre 2023 ;
- le mémoire en réplique présenté par Mme LERER, enregistré le 4 septembre 2023 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 25 septembre 2023 approuvant le compte de campagne de M. HABIB ;
- les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur la propagande électorale et le déroulement de la campagne :
1. En premier lieu, il résulte de l’article L. 52-8 du code électoral qu’aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d’un État étranger ou d’une personne morale de droit étranger.
2. Aux termes de l’article L. 49 du code électoral, dont les dispositions sont applicables à l’élection des députés par les Français établis hors de France en vertu de l’article L. 330 du même code : « À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : … 2 ° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ».
3. La publication sur un réseau social par M. HABIB, le 31 mars 2023, d’une photographie avec le Premier ministre israélien dans le bureau de ce dernier ne constitue pas, contrairement à ce que soutient Mme LERER, une contribution ou aide matérielle prohibée d’un État étranger à ce candidat au sens des dispositions précitées de l’article L. 52-8 du code électoral. Eu égard à la date de cette publication, elle n’a pas davantage méconnu l’article L. 49 de ce code.
4. En second lieu, si la requérante allègue que, parmi les candidats à l’élection contestée, ceux qui avaient déjà concouru à l’élection des 5 et 19 juin 2022 auraient bénéficié, du fait de cette précédente campagne, d’une plus grande notoriété que les autres, une telle circonstance, à la supposer établie, n’est le résultat d’aucune manœuvre et n’est pas constitutive d’une rupture d’égalité entre les candidats ayant altéré la sincérité du scrutin. Par ailleurs, ces candidats n’ont, contrairement à ce qui est soutenu, bénéficié d’aucun avantage au regard des formalités d’ouverture du compte bancaire du mandataire ou pour l’obtention d’une copie des listes électorales consulaires à jour.
- Sur les opérations de vote :
5. En premier lieu, si Mme LERER soutient que M. HABIB a mis en place des permanences téléphoniques et des centres d’aide à destination des électeurs rencontrant des difficultés pour voter par voie électronique leur proposant de voter à leur place en utilisant leurs identifiants et mots de passe, il ne résulte toutefois pas de l’instruction que de tels agissements auraient été commis au titre de l’élection contestée. Par suite, le grief ne peut qu’être écarté.
6. En deuxième lieu, la requérante soutient que des dysfonctionnements dans l’organisation des opérations de vote par voie électronique auraient empêché certains électeurs de prendre part au vote. Elle fait ainsi valoir que, sur les 390 messages téléphoniques contenant les mots de passe prévus par l’article R. 176-3-9 du code électoral et envoyés en vue du second tour aux électeurs inscrits sur les listes consulaires qui résident dans les Territoires palestiniens, seuls 65 messages, soit 16,67 % d’entre eux, ont été effectivement délivrés à leur destinataire. Toutefois, pour regrettable qu’ait été ce dysfonctionnement, il n’a pas été de nature, compte tenu de l’écart de 1 193 voix entre les deux candidats au second tour de scrutin, à affecter le résultat de l’élection.
7. Si la requérante invoque, en troisième lieu, la différence entre le nombre de connexions recensées à la plate-forme de vote électronique lors des élections législatives partielles qui se sont tenues dans les 2e, 8e et 9e circonscriptions des Français établis hors de France en avril 2023 et le nombre d’électeurs ayant voté selon cette modalité, cette différence ne révèle, par elle-même, aucun obstacle au vote d’un nombre significatif d’électeurs ni aucune atteinte à la sincérité du scrutin dans la 8e circonscription.
8. En dernier lieu, si la requérante soutient que des électeurs résidant à Gaza n’ont pu, en raison de difficultés de circulation, se rendre au bureau de vote de Ramallah dont ils dépendent, cette situation n’a concerné, comme le relève elle-même la requérante, que 17 personnes. Par suite, les difficultés invoquées n’ont en tout état de cause pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin compte tenu de l’écart des voix.
- Sur les autres griefs :
9. En premier lieu, selon la requérante, tant la description de la 8e circonscription figurant au tableau annexé à l’article L. 125 du code électoral, qui ne mentionne pas expressément les Territoires palestiniens, que la répartition des électeurs entre les bureaux de vote, s’agissant de Jérusalem-Est, méconnaîtraient « le droit français et international ». Toutefois, la critique soulevée est en tout état de cause inopérante en l’absence de toute incidence sur la régularité et la sincérité des opérations électorales.
10. En deuxième lieu, la répartition entre les différents bureaux de vote des électeurs inscrits sur les listes consulaires ne révèle aucune atteinte à l’égalité entre les électeurs.
11. En dernier lieu, les autres griefs de la requête, tirés de la mauvaise organisation générale des élections, des conditions de publication des modalités de consultation des listes d’émargement ou de certains documents destinés aux candidats, dont tous n’auraient par ailleurs selon elle pas respecté les indications, d’un trop faible taux de participation, de ce que de « nombreuses » adresses électroniques n’auraient pas été tenues à jour, ou encore de certaines difficultés dans l’acheminement du matériel électoral, qui manquent en fait ou ne sont assortis d’aucune précision permettant au juge de l’élection d’en apprécier le bien-fondé et l’incidence sur l’élection, ne peuvent qu’être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme LERER doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de Mme Yaël LERER est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 octobre 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 27 octobre 2023.
JORF n°0254 du 1 novembre 2023, texte n° 104
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6269.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.7. Internet
8.3.3.7.3. Réseaux sociaux
Publication sur un réseau social par le candidat élu d’une photographie avec le Premier ministre israélien dans le bureau. Eu égard à la date de cette publication, avant le début de la période visée par l’article L. 49 du code électoral et commençant la veille du scrutin à zéro heure, pas de méconnaissance de cet article.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.1. Nature des pressions, interventions, manœuvres
8.3.4.1.9. Pressions diverses
Si la requérante soutient que le candidat élu a mis en place des permanences téléphoniques et des centres d’aide à destination des électeurs rencontrant des difficultés pour voter par voie électronique leur proposant de voter à leur place en utilisant leurs identifiants et mots de passe, il ne résulte toutefois pas de l’instruction que de tels agissements auraient été commis au titre de l’élection contestée. Par suite, le grief ne peut qu’être écarté.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
8.3.5.4.7. Contributions ou aides d'un Etat étranger ou d'une personne morale de droit étranger
La publication sur un réseau social par le candidat élu d’une photographie avec le Premier ministre israélien dans le bureau de ce dernier ne constitue pas, contrairement à ce que soutient la requérante, une contribution ou aide matérielle prohibée d’un État étranger à ce candidat au sens des dispositions précitées de l’article L. 52-8 du code électoral.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.1. Organisation matérielle du scrutin
8.3.6.1.2. Nombre et implantation des bureaux de vote
Selon la requérante, tant la description de la 8e circonscription figurant au tableau annexé à l’article L. 125 du code électoral, qui ne mentionne pas expressément les Territoires palestiniens, que la répartition des électeurs entre les bureaux de vote, s’agissant de Jérusalem-Est, méconnaîtraient « le droit français et international ». Toutefois, la critique soulevée est en tout état de cause inopérante en l’absence de toute incidence sur la régularité et la sincérité des opérations électorales.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.1. Organisation matérielle du scrutin
8.3.6.1.3. Organisation matérielle des bureaux de vote
Contrairement à ce que soutient la requérante, la répartition entre les différents bureaux de vote des électeurs inscrits sur les listes consulaires ne révèle aucune atteinte à l’égalité entre les électeurs.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
8.3.6.7. Vote électronique dans les circonscriptions des Français établis hors de France
D'une part, la requérante soutient que des dysfonctionnements dans l’organisation des opérations de vote par voie électronique auraient empêché certains électeurs de prendre part au vote. Elle fait ainsi valoir que, sur les 390 messages téléphoniques contenant les mots de passe prévus par l’article R. 176-3-9 du code électoral et envoyés en vue du second tour aux électeurs inscrits sur les listes consulaires qui résident dans les Territoires palestiniens, seuls 65 messages, soit 16,67 % d’entre eux, ont été effectivement délivrés à leur destinataire. Toutefois, pour regrettable qu’ait été ce dysfonctionnement, il n’a pas été de nature, compte tenu de l’écart de 1 193 voix entre les deux candidats au second tour de scrutin, à affecter le résultat de l’élection.
D'autre part, si la requérante invoque la différence entre le nombre de connexions recensées à la plate-forme de vote électronique lors des élections législatives partielles qui se sont tenues dans les 2e, 8e et 9e circonscriptions des Français établis hors de France en avril 2023 et le nombre d’électeurs ayant voté selon cette modalité, cette différence ne révèle, par elle-même, aucun obstacle au vote d’un nombre significatif d’électeurs ni aucune atteinte à la sincérité du scrutin dans la 8e circonscription. (Rejet du grief)
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.9. Contentieux - Griefs
8.3.9.6. Griefs manquant en fait
Les griefs de la requête tirés de la mauvaise organisation générale des élections, des conditions de publication des modalités de consultation des listes d’émargement ou de certains documents destinés aux candidats, dont tous n’auraient par ailleurs selon elle pas respecté les indications, d’un trop faible taux de participation, de ce que de « nombreuses » adresses électroniques n’auraient pas été tenues à jour, ou encore de certaines difficultés dans l’acheminement du matériel électoral, qui manquent en fait ou ne sont assortis d’aucune précision permettant au juge de l’élection d’en apprécier le bien-fondé et l’incidence sur l’élection, ne peuvent qu’être écartés.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.9. Contentieux - Griefs
8.3.9.7. Griefs insuffisamment précisés
Les griefs de la requête tirés de la mauvaise organisation générale des élections, des conditions de publication des modalités de consultation des listes d’émargement ou de certains documents destinés aux candidats, dont tous n’auraient par ailleurs selon elle pas respecté les indications, d’un trop faible taux de participation, de ce que de « nombreuses » adresses électroniques n’auraient pas été tenues à jour, ou encore de certaines difficultés dans l’acheminement du matériel électoral, qui manquent en fait ou ne sont assortis d’aucune précision permettant au juge de l’élection d’en apprécier le bien-fondé et l’incidence sur l’élection, ne peuvent qu’être écartés.