Décision

Décision n° 2023-6191 AN du 16 juin 2023

A.N., La Réunion, 6e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 1er février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Nadia RAMASSAMY, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 6e circonscription de La Réunion, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6191 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations produites par Mme RAMASSAMY, enregistrées le 9 mars 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. D’une part, il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection par le candidat ou pour son compte. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l’accord de celui-ci, par les personnes physiques ainsi que par les partis et groupements politiques qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Il doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin.

2. D’autre part, il ressort de l’article L. 52-4 du code électoral qu’il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l’exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l’objet d’un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n’est qu’à la double condition que leur montant, tel qu’apprécié à la lumière de ces dispositions, c’est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n’auraient pas fait l’objet d’un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l’article L. 52-11 du même code.

3. Le compte de campagne de Mme RAMASSAMY a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 1er février 2023 aux motifs, d’une part, que la candidate avait, postérieurement à la désignation de son mandataire financier, réglé directement 3 492 euros de dépenses électorales représentant 18,5 % des dépenses du compte et 5 % du plafond légal des dépenses dans la circonscription, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-4 du code électoral, et, d’autre part, qu’une somme de 803 euros, correspondant à des concours en nature mentionnés en annexe du compte, n’avait pourtant été inscrite au compte ni en recettes ni en dépenses, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-12 du même code.

4. En premier lieu, à supposer même que la Commission ait omis de retrancher du montant des dépenses réglées directement la somme de 1 203 euros dont la candidate allègue qu’elle aurait présenté le caractère de concours en nature, le montant des dépenses irrégulières s’élèverait en tout état de cause à 2 289 euros, représentant 12,2 % du total des dépenses du compte et 3,3 % du plafond des dépenses dans la circonscription, et ne saurait être qualifié de faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et de négligeable au regard du plafond de dépenses.

5. En second lieu, il résulte de l’instruction que l’annexe du compte initialement déposé retraçait, de manière détaillée, des concours en nature d’un montant de 803 euros provenant, pour 79 euros, de formations politiques et, pour 724 euros, de personnes physiques, et correspondant à la mise à disposition, notamment, de locaux, de mobilier et d’équipements. Si la candidate soutient que la mention de concours en nature d’un montant de 803 euros sur cette annexe procèderait d’une simple erreur matérielle et ne correspondrait à aucune recette ni aucune dépense engagée en vue de l’élection devant être retracée dans son compte en application de l’article L. 52-12 du code électoral, elle n’établit pas le caractère d’erreur matérielle de ces mentions détaillées par la seule production d’un courrier de son expert-comptable se bornant à faire état d’une erreur de fichier sans l’expliquer.

6. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme RAMASSAMY.

7. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

8. Nonobstant le caractère substantiel de l’obligation résultant du troisième alinéa de l’article L. 52-4 du code électoral, le manquement commis au regard de ces dispositions ne justifie pas en l’espèce, compte tenu du montant des dépenses réglées irrégulièrement, le prononcé d'une inéligibilité. En revanche, le manquement aux dispositions de l’article L. 52-12 du code électoral justifie de prononcer, en application de l’article L.O. 136-1 de ce code, une inéligibilité d’une durée d’un an.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Mme Nadia RAMASSAMY est déclarée inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 16 juin 2023.
 

JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 58
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6191.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.3. Présentation du compte
  • 8.3.5.3.2. Totalité des opérations financières

Rejet du compte au motif qu’une somme de 803 euros, correspondant à des concours en nature mentionnés en annexe du compte, n’avait pourtant été inscrite au compte ni en recettes ni en dépenses, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-12 du même code. Inéligibilité d'un an.

(2023-6191 AN, 16 juin 2023, cons. 3, JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 58)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement

Dépenses réglées directement d'un montant de 2 289 euros, représentant 12,2 % du total des dépenses du compte et 3,3 % du plafond des dépenses dans la circonscription. Prises en compte pour admettre le rejet du compte (avec un autre manquement) mais n'entraine pas d'inéligibilité (prononcée par ailleurs pour l'autre manquement).

(2023-6191 AN, 16 juin 2023, cons. 4, JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 58)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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