Décision

Décision n° 2023-6128 AN du 30 juin 2023

A.N., Rhône, 13e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 8 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 25 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Gilles GASCON, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 13e circonscription du département du Rhône, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6128 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour M. GASCON par Me Philippe Petit, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 15 février 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts. ».

2. Eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 susvisée, ou s'est soumise aux règles, fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi, qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire financier désigné par eux.

3. Dans sa décision du 25 janvier 2023, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. GASCON au motif qu’il a reçu de l’association « Saint-Priest Métropole », le 10 février 2022, un prêt pour un montant de 2 000 euros, alors que cette association ne remplissait pas les conditions lui permettant de participer au financement de la campagne électorale d’un candidat.

4. Il est constant qu’à la date à laquelle l’association « Saint Priest Métropole » a accordé un prêt de 2 000 euros à M. GASCON, elle ne s’était pas soumise aux règles mentionnées à l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988. La circonstance que cette association s’est par la suite soumise à ces règles est sans incidence sur l’appréciation de sa qualité de « parti ou groupement politique » à la date du prêt litigieux.

5. Ainsi, à la date à laquelle le prêt a été octroyé, M. GASCON doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant bénéficié, de la part d'une personne morale, d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature et au montant de cet avantage, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. GASCON.

6. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12.

7. Compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. GASCON à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - M. Gilles GASCON est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 30 juin 2023.
 

JORF n°0153 du 4 juillet 2023, texte n° 65
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6128.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.5. Bénéfice d'un don ou d'un avantage entraînant le rejet du compte

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne du candidat au motif qu’il a reçu de l’association « Saint-Priest Métropole », le 10 février 2022, un prêt pour un montant de 2 000 euros, alors que cette association ne remplissait pas les conditions lui permettant de participer au financement de la campagne électorale d’un candidat. Il est constant qu’à la date à laquelle l’association « Saint Priest Métropole » a accordé un prêt de 2 000 euros au candidat, elle ne s’était pas soumise aux règles mentionnées à l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988. La circonstance que cette association s’est par la suite soumise à ces règles est sans incidence sur l’appréciation de sa qualité de « parti ou groupement politique » à la date du prêt litigieux. Ainsi, à la date à laquelle le prêt a été octroyé, le candidat doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant bénéficié, de la part d'une personne morale, d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature et au montant de cet avantage, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne. Un an d'inéligibilité.

(2023-6128 AN, 30 juin 2023, cons. 3, 4, 5, JORF n°0153 du 4 juillet 2023, texte n° 65)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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