Décision

Décision n° 2022-5805 AN du 27 janvier 2023

A.N., Côte-d’Or 3e circ., Mme Patricia MARC
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 juin 2022 d’une requête présentée par Mme Patricia MARC, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 3e circonscription de la Côte-d’Or, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5805 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le 16 septembre 2022 ;
  • les mémoires en défense, présentés pour Mme Fadila KHATTABI, députée, par Me Bruno Questel, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 18 octobre  et 19 décembre 2022 ;
  • le mémoire en réplique présenté pour Mme MARC par Me Xavier Sauvignet, avocat au barreau de Paris, enregistré le 2 décembre 2022 ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 3 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de Mme KHATTABI ;
  • les pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. En premier lieu, si, dans le bureau de vote n° 5 de la commune de Longvic, deux listes d’émargement différentes ont été utilisées respectivement pour le premier et pour le second tours de scrutin, sur lesquelles les électeurs n’ont pas tous émargé dans la colonne correspondant au tour de scrutin considéré, il ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance, pour regrettable qu’elle soit, ait fait obstacle au recensement des votes à chacun des tours de scrutin.

2. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : »l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement.

3. D’une part, Mme MARC conteste vingt-neuf émargements, en soutenant soit que les signatures figurant, pour les deux tours de scrutin, en marge du nom d’un même électeur présentent des différences établissant que le vote n’a pas été effectué par l’électeur, soit que l’électeur a émargé en apposant une croix. La requérante n’a pas précisé le nom des deux électeurs de la commune de Couternon dont elle conteste l’émargement. Il résulte par ailleurs de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement originales des bureaux de vote concernés, que deux autres électeurs, pour lesquels une différence de signature est alléguée, n’ont pas émargé au second tour et que les deux cas contestés dans lesquels l’électeur a signé d’une croix concernent le premier tour de scrutin. Enfin, pour les vingt-trois autres émargements contestés, il résulte de l’instruction que les différences de signature alléguées ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours ou encore, pour les femmes mariées, à l’utilisation du nom patronymique pour l’un des émargements et du nom d’usage pour l’autre. Au surplus, seize des vingt-trois électeurs concernés ont fourni une attestation par laquelle ils ont, soit reconnu formellement avoir voté en personne aux deux tours et avoir signé les listes d’émargement, soit justifié la différence observée entre les deux émargements les concernant.

4. D’autre part, la circonstance que onze émargements comportent des ratures ou des indications précisant le tour du scrutin auquel ils doivent être rattachés est, en l’espèce, sans incidence sur les résultats du second tour de scrutin. 

5. En troisième lieu, d’une part, si Mme MARC soutient que, dans deux bureaux de vote, le nombre de suffrages exprimés qui a été décompté diffère de quelques unités de celui résultant des listes d’émargement, il résulte de l’instruction que le grief manque en fait. D’autre part, l’erreur alléguée dans le décompte des procurations, s’agissant d’un autre bureau de vote, est par elle-même sans incidence sur les résultats du scrutin. Il en est de même, en tout état de cause, de la circonstance qu’une voix lui a été retirée en raison de l’écart d’une voix entre le nombre de bulletins trouvés dans l’urne et le nombre d’émargements dans le bureau de vote n° 7 de la commune de Chenôve où elle est arrivée en tête. Enfin, si dans quatre bureaux de vote la liste d’émargement ne comportait pas l’indication du nombre total de votants et dans deux autres bureaux la liste n’a pas été signée par les membres du bureau, il ne résulte pas de l’instruction que les négligences commises dans la tenue de ces listes ont entraîné un décompte inexact des suffrages de nature à remettre en cause les résultats portés aux procès-verbaux. 

6. En quatrième lieu, Mme MARC n’est pas fondée à se plaindre de ce que des procurations étaient renseignées de manière manuscrite sur les listes d’émargement dès lors que l’article R. 76 du code électoral prévoit expressément que la mention d’une procuration peut être portée par le maire sur la liste d’émargement de manière manuscrite, à côté du nom du mandant. Par ailleurs, la circonstance que Mme MARC n’ait pas pu avoir accès à l’ensemble des listes de procurations lors de la consultation du matériel électoral à la préfecture ou dans les locaux du Conseil constitutionnel ne constitue nullement une irrégularité, l’article R. 76-1 du code électoral prévoyant que le maire de chaque commune tient à la disposition de tout électeur un registre des procurations extrait du répertoire électoral unique.

7. En dernier lieu, si Mme MARC fait valoir qu’elle n’a pu consulter à la préfecture les bulletins nuls et blancs, elle n’allègue ni qu’elle n’aurait pas pu consulter ces pièces ultérieurement au cours de la procédure, ni que ces bulletins n’auraient pas été annexés aux procès-verbaux comme le prévoit l’article L. 66 du code électoral. Au demeurant, cet article prévoit également que, si l’annexion des bulletins n’a pas été faite, cette circonstance n’entraîne l’annulation des opérations qu’autant qu’il est établi qu’elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Alors même que de telles conséquences ne sont même pas alléguées, tel n’est pas le cas en l’espèce.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme MARC ne peut qu’être rejetée.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. -  La requête de Mme Patricia MARC est rejetée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. 
 
Rendu public le 27 janvier 2023.
 

JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 104
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5805.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.1. Absence d'irrégularités

La requérante n’est pas fondée à se plaindre de ce que des procurations étaient renseignées de manière manuscrite sur les listes d’émargement dès lors que l’article R. 76 du code électoral prévoit expressément que la mention d’une procuration peut être portée par le maire sur la liste d’émargement de manière manuscrite, à côté du nom du mandant. Par ailleurs, la circonstance que la requérante n’ait pas pu avoir accès à l’ensemble des listes de procurations lors de la consultation du matériel électoral à la préfecture ou dans les locaux du Conseil constitutionnel ne constitue nullement une irrégularité, l’article R. 76-1 du code électoral prévoyant que le maire de chaque commune tient à la disposition de tout électeur un registre des procurations extrait du répertoire électoral unique.

(2022-5805 AN, 27 janvier 2023, cons. 6, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 104)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.2. Irrégularités vénielles ou sans influence sur le scrutin

Si dans quatre bureaux de vote la liste d’émargement ne comportait pas l’indication du nombre total de votants et dans deux autres bureaux la liste n’a pas été signée par les membres du bureau, il ne résulte pas de l’instruction que les négligences commises dans la tenue de ces listes ont entraîné un décompte inexact des suffrages de nature à remettre en cause les résultats portés aux procès-verbaux. 

(2022-5805 AN, 27 janvier 2023, cons. 5, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 104)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.4. Signatures

Si, dans le bureau de vote n° 5 de la commune de Longvic, deux listes d’émargement différentes ont été utilisées respectivement pour le premier et pour le second tours de scrutin, sur lesquelles les électeurs n’ont pas tous émargé dans la colonne correspondant au tour de scrutin considéré, il ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance, pour regrettable qu’elle soit, ait fait obstacle au recensement des votes à chacun des tours de scrutin.

(2022-5805 AN, 27 janvier 2023, cons. 1, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 104)

Le Conseil constitutionnel, en s'appuyant sur des attestations ou le caractère peu probant des différences invoquées, écarte divers griefs relatif à des différences entre les signatures figurant, pour les deux tours de scrutin, en marge du nom d’un même électeur. Par ailleurs, la circonstance que onze émargements comportent des ratures ou des indications précisant le tour du scrutin auquel ils doivent être rattachés est, en l’espèce, sans incidence sur les résultats du second tour de scrutin. 

(2022-5805 AN, 27 janvier 2023, cons. 3, 4, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 104)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.8. Différences de signatures entre le premier et le second tour

Le Conseil constitutionnel, en s'appuyant sur des attestations ou le caractère peu probant des différences invoquées, écarte divers griefs relatif à des différences entre les signatures figurant, pour les deux tours de scrutin, en marge du nom d’un même électeur. Par ailleurs, la circonstance que onze émargements comportent des ratures ou des indications précisant le tour du scrutin auquel ils doivent être rattachés est, en l’espèce, sans incidence sur les résultats du second tour de scrutin. 

(2022-5805 AN, 27 janvier 2023, cons. 3, 4, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 104)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.9. Établissement des procès-verbaux et de leurs annexes
  • 8.3.6.9.3. Pièces annexes : bulletins nuls et enveloppes vides

Si la requérante fait valoir qu’elle n’a pu consulter à la préfecture les bulletins nuls et blancs, elle n’allègue ni qu’elle n’aurait pas pu consulter ces pièces ultérieurement au cours de la procédure, ni que ces bulletins n’auraient pas été annexés aux procès-verbaux comme le prévoit l’article L. 66 du code électoral. Au demeurant, cet article prévoit également que, si l’annexion des bulletins n’a pas été faite, cette circonstance n’entraîne l’annulation des opérations qu’autant qu’il est établi qu’elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Alors même que de telles conséquences ne sont même pas alléguées, tel n’est pas le cas en l’espèce.

(2022-5805 AN, 27 janvier 2023, cons. 7, JORF n°0026 du 31 janvier 2023, texte n° 104)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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