Décision

Décision n° 2022-5795 AN du 20 janvier 2023

A.N., Français établis hors de France (1ère circ.), M. Alain OUELHADJ
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par M. Alain OUELHADJ, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 4 et 18 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5795 AN.

Au vu des textes suivants :

- la Constitution, notamment son article 59 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code électoral ;

- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

- les mémoires en défense présentés pour M. Roland LESCURE, député, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 18 septembre et le 20 novembre 2022 ;

- les observations présentées par la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, enregistrées le 19 septembre 2022 ;

- le mémoire en réplique présenté par M. OUELHADJ, enregistré le 1er novembre 2022 ;

- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 21 novembre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. LESCURE ;

- les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

- Sur la propagande électorale :

1. M. OUELHADJ soutient que les circulaires pour le second tour ne sont parvenues aux électeurs qu’après le 18 juin 2022, jour du vote à l’urne dans la circonscription, et que ce retard d’acheminement a entaché d’insincérité le scrutin.

2. Toutefois, il n’établit pas, par les éléments qu’il produit, que cet acheminement tardif, qui ne résulte pas d’une manœuvre et a concerné de manière égale les deux candidats présents au second tour, aurait affecté un nombre significatif d’électeurs au regard de l’écart des voix. Au demeurant, les électeurs concernés ont pu prendre connaissance des professions de foi des candidats en version électronique. Dans ces conditions, le grief doit être écarté.

- Sur les griefs relatifs au vote par correspondance électronique :

3. En premier lieu, il ne résulte pas de l’instruction que le remplacement, le 24 mai 2022, des identifiants et mots de passe de tous les électeurs pour des motifs techniques ait suscité une confusion les empêchant de prendre part au vote.

4. En deuxième lieu, M. OUELHADJ soutient que le blocage par plusieurs plateformes de messagerie électronique des messages contenant les identifiants des électeurs, le défaut de délivrance des mots de passe par certains fournisseurs de services téléphoniques à l’étranger et l’indisponibilité temporaire du portail de vote sur internet ont empêché un nombre significatif d’électeurs de prendre part au vote par voie électronique au premier tour.

5. Toutefois, d’une part, il n’est pas établi que les difficultés de délivrance des mots de passe par messages textes sur téléphone qu’il mentionne ont concerné un nombre significatif d’électeurs dans la circonscription et ont été susceptibles d’altérer la sincérité du scrutin eu égard à l’écart des voix.

6. D’autre part, si quelques fournisseurs de messagerie électronique ont, durant les premiers jours du vote par internet au titre du premier tour du scrutin, bloqué l’acheminement des courriers électroniques contenant les identifiants nécessaires à la participation au vote par internet, il résulte de l’instruction que ce blocage a pris fin le mardi 31 mai 2022 et que les électeurs touchés par ce problème ont ainsi disposé d’un temps suffisant pour prendre part au vote par voie électronique, en dépit de l’indisponibilité temporaire du portail de vote entre 2 h 20 et 7 heures du matin (heure de Paris) le mercredi 1er juin 2022.

7. Dans ces conditions, compte tenu de l’écart de voix entre les candidats et du caractère limité de ces dysfonctionnements, il n’est pas établi que, pour regrettables qu’ils soient, ces derniers ont empêché un nombre significatif d’électeurs de la circonscription de prendre part au vote par voie électronique et altéré la sincérité du scrutin.

8. En dernier lieu, si M. OUELHADJ fait valoir que le dispositif technique élaboré pour la mise en œuvre du vote par correspondance électronique n'a pas été suffisamment sécurisé pour vérifier l’identité réelle des votants et empêcher toute utilisation frauduleuse, il n'établit ni même n'allègue que des usurpations d’identité d’électeurs auraient été commises à l'occasion des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription.

- Sur les griefs relatifs au vote par correspondance sous pli fermé :

9. En premier lieu, si M. OUELHADJ soutient qu’un acheminement tardif du matériel électoral pour le second tour a empêché un nombre significatif d’électeurs ayant choisi le vote par correspondance sous pli fermé de prendre part au vote, portant ainsi atteinte à la sincérité du scrutin et à l’égalité des électeurs devant le suffrage, il n’établit toutefois ni l’existence ni l’ampleur du retard d’acheminement qu’il allègue.

10. En second lieu, aux termes de l’article R. 176-4-4 du code électoral : « Chaque ambassadeur ou chef de poste consulaire chargé d'organiser les opérations de vote tient un registre du vote par correspondance sous pli fermé, composé de pages numérotées. Il est fait mention au registre des enveloppes d'identification reçues au fur et à mesure de leur arrivée. Sur chaque enveloppe est aussitôt apposé un numéro d'ordre. / Doivent être inscrits au registre sans délai le numéro d'ordre, la date, l'heure d'arrivée de l'enveloppe à l'ambassade ou au poste consulaire concerné, les nom et prénoms de l'électeur, son numéro d'inscription sur la liste électorale et le nom de l'agent ayant procédé à cet enregistrement. Le cas échéant, ce dernier signale les enveloppes d'identification qu'il estime relever des dispositions de l'article R. 176-4-6 (...) ».

11. Si M. OUELHADJ soutient que le dépouillement des votes par correspondance sous pli fermé s’est opéré au premier tour dans des conditions irrégulières, au motif que l’administration aurait procédé à celui-ci dès la réception des enveloppes d'identification, en l’absence de représentants des candidats, des délégués ou d’assesseurs préalablement désignés, il n’est pas établi que les ambassadeurs et chefs de postes consulaires auraient excédé les diligences qu’il leur revient d’accomplir, en application de l’article R. 176-4-4 du code électoral, et qu’ils auraient procédé au dépouillement des votes hors la présence des assesseurs.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. OUELHADJ doit être rejetée.

- Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13.  Ces dispositions ne sont pas applicables devant le Conseil constitutionnel. Dès lors, de telles conclusions ne peuvent être accueillies.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - La requête de M. Alain OUELHADJ est rejetée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 20 janvier 2023.
 

JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 45
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5795.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.3. Circulaires
  • 8.3.3.3.4. Envoi et diffusion des circulaires

Si le requérant soutient que les circulaires pour le second tour ne sont parvenues aux électeurs qu’après le 18 juin 2022, jour du vote à l’urne dans la circonscription, et que ce retard d’acheminement a entaché d’insincérité le scrutin, il n’établit toutefois pas, par les éléments qu’il produit, que cet acheminement tardif, qui ne résulte pas d’une manœuvre et a concerné de manière égale les deux candidats présents au second tour, aurait affecté un nombre significatif d’électeurs au regard de l’écart des voix. Au demeurant, les électeurs concernés ont pu prendre connaissance des professions de foi des candidats en version électronique. Dans ces conditions, le grief doit être écarté.

(2022-5795 AN, 20 janvier 2023, cons. 1, 2, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 45)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.6. Vote par correspondance
  • 8.3.6.6.4. Envoi aux électeurs des documents de vote par correspondance
  • 8.3.6.6.4.2. Date de l'envoi

Si M. OUELHADJ soutient qu’un acheminement tardif du matériel électoral pour le second tour a empêché un nombre significatif d’électeurs ayant choisi le vote par correspondance sous pli fermé de prendre part au vote, portant ainsi atteinte à la sincérité du scrutin et à l’égalité des électeurs devant le suffrage, il n’établit toutefois ni l’existence ni l’ampleur du retard d’acheminement qu’il allègue.

(2022-5795 AN, 20 janvier 2023, cons. 9, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 45)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.6. Vote par correspondance
  • 8.3.6.6.9. Contentieux des votes par correspondance

Aux termes de l’article R. 176-4-4 du code électoral : « Chaque ambassadeur ou chef de poste consulaire chargé d'organiser les opérations de vote tient un registre du vote par correspondance sous pli fermé, composé de pages numérotées. Il est fait mention au registre des enveloppes d'identification reçues au fur et à mesure de leur arrivée. Sur chaque enveloppe est aussitôt apposé un numéro d'ordre. / Doivent être inscrits au registre sans délai le numéro d'ordre, la date, l'heure d'arrivée de l'enveloppe à l'ambassade ou au poste consulaire concerné, les nom et prénoms de l'électeur, son numéro d'inscription sur la liste électorale et le nom de l'agent ayant procédé à cet enregistrement. Le cas échéant, ce dernier signale les enveloppes d'identification qu'il estime relever des dispositions de l'article R. 176-4-6 (...) ».
Si M. OUELHADJ soutient que le dépouillement des votes par correspondance sous pli fermé s’est opéré au premier tour dans des conditions irrégulières, au motif que l’administration aurait procédé à celui-ci dès la réception des enveloppes d'identification, en l’absence de représentants des candidats, des délégués ou d’assesseurs préalablement désignés, il n’est pas établi que les ambassadeurs et chefs de postes consulaires auraient excédé les diligences qu’il leur revient d’accomplir, en application de l’article R. 176-4-4 du code électoral, et qu’ils auraient procédé au dépouillement des votes hors la présence des assesseurs.

(2022-5795 AN, 20 janvier 2023, cons. 10, 11, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 45)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.7. Vote électronique dans les circonscriptions des Français établis hors de France

En premier lieu, il ne résulte pas de l’instruction que le remplacement, le 24 mai 2022, des identifiants et mots de passe de tous les électeurs pour des motifs techniques ait suscité une confusion les empêchant de prendre part au vote.
En deuxième lieu, M. OUELHADJ soutient que le blocage par plusieurs plateformes de messagerie électronique des messages contenant les identifiants des électeurs, le défaut de délivrance des mots de passe par certains fournisseurs de services téléphoniques à l’étranger et l’indisponibilité temporaire du portail de vote sur internet ont empêché un nombre significatif d’électeurs de prendre part au vote par voie électronique au premier tour.
Toutefois, d’une part, il n’est pas établi que les difficultés de délivrance des mots de passe par messages textes sur téléphone qu’il mentionne ont concerné un nombre significatif d’électeurs dans la circonscription et ont été susceptibles d’altérer la sincérité du scrutin eu égard à l’écart des voix.
D’autre part, si quelques fournisseurs de messagerie électronique ont, durant les premiers jours du vote par internet au titre du premier tour du scrutin, bloqué l’acheminement des courriers électroniques contenant les identifiants nécessaires à la participation au vote par internet, il résulte de l’instruction que ce blocage a pris fin le mardi 31 mai 2022 et que les électeurs touchés par ce problème ont ainsi disposé d’un temps suffisant pour prendre part au vote par voie électronique, en dépit de l’indisponibilité temporaire du portail de vote entre 2 h 20 et 7 heures du matin (heure de Paris) le mercredi 1er juin 2022.
Dans ces conditions, compte tenu de l’écart de voix entre les candidats et du caractère limité de ces dysfonctionnements, il n’est pas établi que, pour regrettables qu’ils soient, ces derniers ont empêché un nombre significatif d’électeurs de la circonscription de prendre part au vote par voie électronique et altéré la sincérité du scrutin.
En dernier lieu, si M. OUELHADJ fait valoir que le dispositif technique élaboré pour la mise en œuvre du vote par correspondance électronique n'a pas été suffisamment sécurisé pour vérifier l’identité réelle des votants et empêcher toute utilisation frauduleuse, il n'établit ni même n'allègue que des usurpations d’identité d’électeurs auraient été commises à l'occasion des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription.

(2022-5795 AN, 20 janvier 2023, cons. 3, 4, 5, 6, 7, 8, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 45)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.7. Contentieux - Compétence
  • 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.3.7.2.9. Frais irrépétibles

Saisi de conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le Conseil rappelle que ces dispositions ne sont pas applicables devant lui et ne peuvent, dès lors, être accueillies.

(2022-5795 AN, 20 janvier 2023, cons. 13, JORF n°0020 du 24 janvier 2023, texte n° 45)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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