Décision

Décision n° 2022-989 QPC du 22 avril 2022

M. Alexander V. [Recours contre la condition de renvoi vers l'État membre d'exécution d'un mandat d'arrêt européen]
Non lieu à statuer

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 février 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 314 du 15 février 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Alexander V. par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-989 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 695-11 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le traité sur l'Union européenne ;
  • la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ;
  • le code de procédure pénale ;
  • la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour le requérant par Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par Me Frédéric Bélot, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 8 mars 2022 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 mars 2022 ;
  • les secondes observations présentées pour le requérant par Mes Périer et Bélot, enregistrées le 22 mars 2022 ;
  • les observations présentées pour M. Gilles P., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Mes Jérôme Rousseau et Guillaume Tapie, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 24 mars 2022 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Bélot pour le requérant et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 5 avril 2022 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article 695-11 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Le mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre de l'Union européenne, appelé État membre d'émission, en vue de l'arrestation et de la remise par un autre État membre, appelé État membre d'exécution, d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté.
« L'autorité judiciaire est compétente, selon les règles et sous les conditions déterminées par le présent chapitre, pour adresser aux autorités judiciaires des autres États membres de l'Union européenne ou pour exécuter sur leur demande un mandat d'arrêt européen ».

2. Le requérant reproche à ces dispositions de ne prévoir aucun recours permettant de contester la légalité de la condition de renvoi à laquelle l'État d'exécution a subordonné la remise de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen à l'État qui a émis ce mandat. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif. À cet égard, il soutient que ces dispositions ne découleraient pas nécessairement de la décision-cadre du 13 juin 2002 mentionnée ci-dessus et demande, au besoin, au Conseil constitutionnel de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle.

3. En outre, il fait valoir que ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité devant la loi.

4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le second alinéa de l'article 695-11 du code de procédure pénale.

5. Selon l'article 88-2 de la Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne ». Par ces dispositions particulières, le constituant a entendu lever les obstacles constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives découlant nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne relatives au mandat d'arrêt européen. Par suite, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi de dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen, de contrôler la conformité à la Constitution de celles de ces dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction alors applicable.

6. La décision-cadre du 13 juin 2002 a institué le mandat d'arrêt européen afin de simplifier et d'accélérer l'arrestation et la remise entre les États de l'Union européenne des personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté. L'article 695-11 du code de procédure pénale reproduit la définition de ce mandat prévue au 1 de l'article 1er de la décision-cadre du 13 juin 2002 et attribue à l'autorité judiciaire, en application de son article 6, la compétence pour mettre en œuvre cette procédure.

7. D'une part, les dispositions contestées de l'article 695-11 du code de procédure pénale ont pour seul objet de prévoir que l'autorité judiciaire est compétente pour adresser aux autorités judiciaires des autres États membres de l'Union européenne un tel mandat ou pour l'exécuter sur leur demande.

8. D'autre part, les conditions dans lesquelles une personne condamnée en France peut être remise à un autre État membre de l'Union européenne pour effectuer sa peine, le cas échéant en application de la condition de renvoi à laquelle cet État a subordonné l'exécution du mandat d'arrêt européen, sont définies à l'article 728-15 du code de procédure pénale, dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi.

9. Dès lors, l'absence alléguée de recours contre l'application de cette condition de renvoi ne pourrait résulter, en tout état de cause, que de ce dernier article et non des dispositions contestées.

10. Par conséquent, ces dispositions découlant nécessairement de la décision-cadre du 13 juin 2002, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le second alinéa de l'article 695-11 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Jacqueline GOURAULT, Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 22 avril 2022.

JORF n°0095 du 23 avril 2022, texte n° 100
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.989.QPC

Les abstracts

  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.2. Spécificité des fondements constitutionnels
  • 7.4.2.2. Mandat d'arrêt européen (88-2)

Les requérants reprochent aux dispositions de l'article 695-11 du code de procédure pénale de ne prévoir aucun recours permettant de contester la légalité de la condition de renvoi à laquelle l'État d'exécution a subordonné la remise de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen à l'État qui a émis ce mandat.
Selon l'article 88-2 de la Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne ». Par ces dispositions particulières, le constituant a entendu lever les obstacles constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives découlant nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne relatives au mandat d'arrêt européen. Par suite, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi de dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen, de contrôler la conformité à la Constitution de celles de ces dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction alors applicable.
La décision-cadre du 13 juin 2002 a institué le mandat d'arrêt européen afin de simplifier et d'accélérer l'arrestation et la remise entre les États de l'Union européenne des personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté. L'article 695-11 du code de procédure pénale reproduit la définition de ce mandat prévue au 1 de l'article 1er de la décision-cadre du 13 juin 2002 et attribue à l'autorité judiciaire, en application de son article 6, la compétence pour mettre en œuvre cette procédure.
D'une part, les dispositions contestées de l'article 695-11 du code de procédure pénale ont pour seul objet de prévoir que l'autorité judiciaire est compétente pour adresser aux autorités judiciaires des autres États membres de l'Union européenne un tel mandat ou pour l'exécuter sur leur demande. D'autre part, les conditions dans lesquelles une personne condamnée en France peut être remise à un autre État membre de l'Union européenne pour effectuer sa peine, le cas échéant en application de la condition de renvoi à laquelle cet État a subordonné l'exécution du mandat d'arrêt européen, sont définies à l'article 728-15 du code de procédure pénale, dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi. Dès lors, l'absence alléguée de recours contre l'application de cette condition de renvoi ne pourrait résulter, en tout état de cause, que de ce dernier article et non des dispositions contestées. Par conséquent, ces dispositions découlant nécessairement de la décision-cadre du 13 juin 2002, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

(2022-989 QPC, 22 avril 2022, cons. 5, 6, 7, 8, 9, 10, JORF n°0095 du 23 avril 2022, texte n° 100)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.

(2022-989 QPC, 22 avril 2022, cons. 4, JORF n°0095 du 23 avril 2022, texte n° 100)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.8. Grief mal dirigé

Les requérants reprochent aux dispositions de l'article 695-11 du code de procédure pénale de ne prévoir aucun recours permettant de contester la légalité de la condition de renvoi à laquelle l'État d'exécution a subordonné la remise de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen à l'État qui a émis ce mandat.
D'une part, les dispositions contestées de l'article 695-11 du code de procédure pénale ont pour seul objet de prévoir que l'autorité judiciaire est compétente pour adresser aux autorités judiciaires des autres États membres de l'Union européenne un tel mandat ou pour l'exécuter sur leur demande.D'autre part, les conditions dans lesquelles une personne condamnée en France peut être remise à un autre État membre de l'Union européenne pour effectuer sa peine, le cas échéant en application de la condition de renvoi à laquelle cet État a subordonné l'exécution du mandat d'arrêt européen, sont définies à l'article 728-15 du code de procédure pénale, dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi. Dès lors, l'absence alléguée de recours contre l'application de cette condition de renvoi ne pourrait résulter, en tout état de cause, que de ce dernier article et non des dispositions contestées.

(2022-989 QPC, 22 avril 2022, cons. 7, 8, 9, JORF n°0095 du 23 avril 2022, texte n° 100)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.5. Sens et portée de la décision
  • 11.6.5.1. Non-lieu à statuer

Les requérants reprochent aux dispositions de l'article 695-11 du code de procédure pénale de ne prévoir aucun recours permettant de contester la légalité de la condition de renvoi à laquelle l'État d'exécution a subordonné la remise de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen à l'État qui a émis ce mandat.
Selon l'article 88-2 de la Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne ». Par ces dispositions particulières, le constituant a entendu lever les obstacles constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives découlant nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne relatives au mandat d'arrêt européen. Par suite, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi de dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen, de contrôler la conformité à la Constitution de celles de ces dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction alors applicable.
La décision-cadre du 13 juin 2002 a institué le mandat d'arrêt européen afin de simplifier et d'accélérer l'arrestation et la remise entre les États de l'Union européenne des personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté. L'article 695-11 du code de procédure pénale reproduit la définition de ce mandat prévue au 1 de l'article 1er de la décision-cadre du 13 juin 2002 et attribue à l'autorité judiciaire, en application de son article 6, la compétence pour mettre en œuvre cette procédure.
D'une part, les dispositions contestées de l'article 695-11 du code de procédure pénale ont pour seul objet de prévoir que l'autorité judiciaire est compétente pour adresser aux autorités judiciaires des autres États membres de l'Union européenne un tel mandat ou pour l'exécuter sur leur demande. D'autre part, les conditions dans lesquelles une personne condamnée en France peut être remise à un autre État membre de l'Union européenne pour effectuer sa peine, le cas échéant en application de la condition de renvoi à laquelle cet État a subordonné l'exécution du mandat d'arrêt européen, sont définies à l'article 728-15 du code de procédure pénale, dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi. Dès lors, l'absence alléguée de recours contre l'application de cette condition de renvoi ne pourrait résulter, en tout état de cause, que de ce dernier article et non des dispositions contestées. Par conséquent, ces dispositions découlant nécessairement de la décision-cadre du 13 juin 2002, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

(2022-989 QPC, 22 avril 2022, cons. 6, 7, 8, 9, 10, JORF n°0095 du 23 avril 2022, texte n° 100)
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