Décision

Décision n° 2021-981 QPC du 17 mars 2022

M. Jean-Mathieu F. [Destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables saisis dans le cadre d'infractions au code de l'environnement]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1599 du 14 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Jean-Mathieu F. par Me Jean-Sébastien de Casalta, avocat au barreau de Bastia. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-981 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de l'environnement ;
  • la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées le 10 janvier 2022 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées le 19 janvier 2022 ;
  • les observations présentées pour M. Lucien P., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Cynthia Costa Sigrist, avocate au barreau de Bastia, enregistrées le 3 février 2022 ;
  • les observations présentées pour l'Office de l'environnement de la Corse, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Sébastien Mabile, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 4 février 2022 ;
  • les observations présentées pour M. Sylvain M., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Anne-Marie Antonetti, avocate au Barreau de Bastia, enregistrées le 10 février 2022 ;
  • les nouvelles observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées 14 février 2022 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Lia Simoni, avocate au barreau de Bastia, pour le requérant, Me Mabile, pour l'Office de l'environnement de la Corse, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 mars 2022 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Le premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi du 8 août 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Lorsqu'ils les ont saisis, les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 172-4 peuvent procéder ou faire procéder à la destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables ».

2. Le requérant, rejoint par certaines parties au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, reproche à ces dispositions de permettre la destruction des animaux morts ou non viables saisis à la suite de la constatation d'une infraction au code de l'environnement sans prévoir que la personne mise en cause ou des témoins n'assistent à leur décompte. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire.

3. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition les droits de la défense et le principe du contradictoire qui en est le corollaire.

4. Selon l'article L. 172-12 du code de l'environnement, les agents publics spécialement habilités et les inspecteurs de l'environnement, commissionnés et assermentés à cette fin, peuvent, dans le cadre de leur mission de recherche et de constatation des infractions au code de l'environnement, saisir notamment les animaux et végétaux qui sont l'objet d'une telle infraction.

5. Les dispositions contestées de l'article L. 172-13 du même code prévoient que, lorsque ces végétaux et animaux sont morts ou non viables, ces fonctionnaires et agents peuvent procéder ou faire procéder à leur destruction.

6. D'une part, tant la saisie des végétaux et animaux objet d'une infraction que la destruction de ceux qui seraient morts ou non viables sont constatées par procès-verbal versé au dossier de la procédure, en application respectivement du quatrième alinéa de l'article L. 172-12 et du dernier alinéa de l'article L. 172-13.

7. D'autre part, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la personne mise en cause puisse contester les procès-verbaux sur le fondement desquels elle est poursuivie, ceux-ci faisant foi jusqu'à preuve contraire qui peut être apportée par écrit ou par témoins.

8. Dès lors, la personne intéressée est mise en mesure de contester devant le juge les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause.

9. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Le premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, est conforme à la Constitution.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, MM. Alain JUPPÉ, Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 17 mars 2022.

JORF n°0066 du 19 mars 2022, texte n° 67
ECLI : FR : CC : 2022 : 2021.981.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.4. Sanctions administratives (voir également Titre 15 Autorités indépendantes)
  • 4.23.9.4.1. Dispositions ne méconnaissant pas le respect des droits de la défense

Le Conseil est saisi de dispositions relatives aux conditions dans lesquelles les inspecteurs de l'environnement peuvent détruire des animaux saisis dans le cas de leurs missions. Selon l'article L. 172-12 du code de l'environnement, les agents publics spécialement habilités et les inspecteurs de l'environnement, commissionnés et assermentés à cette fin, peuvent, dans le cadre de leur mission de recherche et de constatation des infractions au code de l'environnement, saisir notamment les animaux et végétaux qui sont l'objet d'une telle infraction. Les dispositions contestées de l'article L. 172-13 du même code prévoient que, lorsque ces végétaux et animaux sont morts ou non viables, ces fonctionnaires et agents peuvent procéder ou faire procéder à leur destruction. D'une part, tant la saisie des végétaux et animaux objet d'une infraction que la destruction de ceux qui seraient morts ou non viables sont constatées par procès-verbal versé au dossier de la procédure, en application respectivement du quatrième alinéa de l'article L. 172–12 et du dernier alinéa de l'article L. 172-13. D'autre part, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la personne mise en cause puisse contester les procès-verbaux sur le fondement desquels elle est poursuivie, ceux-ci faisant foi jusqu'à preuve contraire qui peut être apportée par écrit ou par témoins. Dès lors, la personne intéressée est mise en mesure de contester devant le juge les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté.

(2021-981 QPC, 17 mars 2022, cons. 4, 5, 6, 7, 8, 9, JORF n°0066 du 19 mars 2022, texte n° 67)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.6. Dispositions relevant de la procédure d'enquête et d'instruction
  • 4.23.9.6.1. Actes d'investigation

Le Conseil est saisi de dispositions relatives aux conditions dans lesquelles les inspecteurs de l'environnement peuvent détruire des animaux saisis dans le cas de leurs missions. Selon l'article L. 172-12 du code de l'environnement, les agents publics spécialement habilités et les inspecteurs de l'environnement, commissionnés et assermentés à cette fin, peuvent, dans le cadre de leur mission de recherche et de constatation des infractions au code de l'environnement, saisir notamment les animaux et végétaux qui sont l'objet d'une telle infraction. Les dispositions contestées de l'article L. 172-13 du même code prévoient que, lorsque ces végétaux et animaux sont morts ou non viables, ces fonctionnaires et agents peuvent procéder ou faire procéder à leur destruction. D'une part, tant la saisie des végétaux et animaux objet d'une infraction que la destruction de ceux qui seraient morts ou non viables sont constatées par procès-verbal versé au dossier de la procédure, en application respectivement du quatrième alinéa de l'article L. 172–12 et du dernier alinéa de l'article L. 172-13. D'autre part, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la personne mise en cause puisse contester les procès-verbaux sur le fondement desquels elle est poursuivie, ceux-ci faisant foi jusqu'à preuve contraire qui peut être apportée par écrit ou par témoins. Dès lors, la personne intéressée est mise en mesure de contester devant le juge les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté.

(2021-981 QPC, 17 mars 2022, cons. 4, 5, 6, 7, 8, 9, JORF n°0066 du 19 mars 2022, texte n° 67)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi Cass., Références doctrinales, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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