Décision

Décision n° 2020-870 QPC du 4 décembre 2020

Société Ambulances secours rapides du bassin [Assistance de l'avocat lors d'une audition libre]
Non lieu à statuer

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 15 octobre 2020 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 2196 du 14 octobre 2020), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Ambulances secours rapides du bassin par Me Laurent Babin, avocat au barreau de Bordeaux. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-870 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 61-1 du code de procédure pénale.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de procédure pénale ;
  • la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales ;
  • la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ;
  • la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-762 QPC du 8 février 2019 ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 2 novembre 2020 ;
  • les observations en intervention présentées pour la société Intégral par Me Jean Gonthier, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées le même jour ;
  • les observations présentées pour la société requérante par Me Babin et la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 17 novembre 2020 ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour la société Intégral par Me Gonthier et la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le même jour ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Babin pour la société requérante, Me Claire Waquet, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la requérante et la partie intervenante, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 26 novembre 2020 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 61-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014 mentionnée ci-dessus.

2. L'article 61-1 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « La personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée :
« 1 ° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ;
« 2 ° Du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ;
« 3 ° Le cas échéant, du droit d'être assistée par un interprète ;
« 4 ° Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;
« 5 ° Si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, du droit d'être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation, selon les modalités prévues aux articles 63-4-3 et 63-4-4, par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats ; elle est informée que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen ; elle peut accepter expressément de poursuivre l'audition hors la présence de son avocat ;
« 6 ° De la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit.
« La notification des informations données en application du présent article est mentionnée au procès-verbal.
« Si le déroulement de l'enquête le permet, lorsqu'une convocation écrite est adressée à la personne en vue de son audition, cette convocation indique l'infraction dont elle est soupçonnée, son droit d'être assistée par un avocat ainsi que les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, les modalités de désignation d'un avocat d'office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition.
« Le présent article n'est pas applicable si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l'officier de police judiciaire ».

3. La société requérante soutient que ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense au motif qu'elles priveraient du droit à l'assistance d'un avocat une personne entendue librement lorsque l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre n'est pas un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement.

4. En réponse aux observations du Premier ministre qui conclut au non-lieu à statuer au motif que ces dispositions ont déjà été déclarées contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2019 mentionnée ci-dessus, la société requérante soutient que leur modification par la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus constitue un changement des circonstances justifiant leur réexamen.

5. Aux termes du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

6. L'autorité des décisions visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. Elle fait obstacle à ce que le Conseil soit saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la même version d'une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf changement des circonstances.

7. Dans sa décision du 8 février 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 61-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, contraire à la Constitution et décidé de reporter son abrogation au 1er janvier 2020.

8. Le fait que la loi du 23 mars 2019 ait donné une nouvelle rédaction à l'article 61-1 du code de procédure pénale, applicable à compter du 1er juin 2019, ne constitue pas un changement des circonstances justifiant le réexamen de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, seule applicable au litige.

9. Par suite, même si le grief d'inconstitutionnalité soulevé en l'espèce par la société requérante diffère de celui qui avait justifié la censure, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 61-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 décembre 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 4 décembre 2020.

JORF n°0294 du 5 décembre 2020, texte n° 90
ECLI : FR : CC : 2020 : 2020.870.QPC

Les abstracts

  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.2. Détermination de la version de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La rédaction de la disposition renvoyée n'ayant pas été déterminée, le Conseil constitutionnel y procède en déterminant la rédaction applicable au litige.

(2020-870 QPC, 04 décembre 2020, JORF n°0294 du 5 décembre 2020, texte n° 90)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.5. Sens et portée de la décision
  • 11.6.5.1. Non-lieu à statuer

Saisi de l'article 61-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, le Conseil juge que dans sa décision du 8 février 2019, il a déclaré l'article 61-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, contraire à la Constitution et décidé de reporter son abrogation au 1er janvier 2020. Le fait que la loi du 23 mars 2019 ait donné une nouvelle rédaction à l'article 61-1 du code de procédure pénale, applicable à compter du 1er juin 2019, ne constitue pas un changement des circonstances justifiant le réexamen de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, seule applicable au litige. Par suite, même si le grief d'inconstitutionnalité soulevé en l'espèce par la société requérante diffère de celui qui avait justifié la censure, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

(2020-870 QPC, 04 décembre 2020, cons. 7, 8, 9, JORF n°0294 du 5 décembre 2020, texte n° 90)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.7. Autorité des décisions du Conseil constitutionnel
  • 11.8.7.1. Hypothèses où la chose jugée est opposée
  • 11.8.7.1.1. Contentieux des normes
  • 11.8.7.1.1.4. Contentieux de l'article 61-1 (contrôle a posteriori)

Saisi de l'article 61-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, le Conseil juge que dans sa décision du 8 février 2019, il a déclaré l'article 61-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, contraire à la Constitution et décidé de reporter son abrogation au 1er janvier 2020. Le fait que la loi du 23 mars 2019 ait donné une nouvelle rédaction à l'article 61-1 du code de procédure pénale, applicable à compter du 1er juin 2019, ne constitue pas un changement des circonstances justifiant le réexamen de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014, seule applicable au litige. Par suite, même si le grief d'inconstitutionnalité soulevé en l'espèce par la société requérante diffère de celui qui avait justifié la censure, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité.

(2020-870 QPC, 04 décembre 2020, cons. 7, 8, 9, JORF n°0294 du 5 décembre 2020, texte n° 90)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi Cass., Références doctrinales, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
Toutes les décisions