Décision

Décision n° 81-948/953 AN du 3 décembre 1981

A.N., Paris (12ème circ.)
Annulation

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu :

1 ° la requête présentée par MM. Stelio Farandjis et Philippe Farine, demeurant à Paris, 46 rue de Fécamp et 86, avenue Daumesnil, ladite requête enregistrée le 1er juillet 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 21 juin 1981 dans la douzième circonscription de Paris pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale, et, à titre principal, proclamer l'élection de M. Stelio Farandjis au lieu et place de M. Pierre de Benouville ou, subsidiairement prononcer l'annulation de l'élection de M. Pierre de Benouville ;

2 ° la requête présentée par M. Christian Tremblay, demeurant à Paris, 54, rue Vergniaud, ladite requête enregistrée le 2 juillet 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;

Vu les observations en défense présentées par M. Pierre de Benouville, député, lesdites observations enregistrées les 15 juillet et 13 août 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de la décentralisation, enregistrées le 4 août 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en réplique présentées par MM. Stelio Farandjis, Philippe Farine et Christian Tremblay, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 10 septembre 1981 ;

Vu les observations en duplique présentées par M. Pierre de Benouville, député, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 18 septembre 1981 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que les deux requêtes susvisées de MM. Stelio Farandjis et Philippe Farine et de M. Christian Tremblay sont relatives aux mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;

Sur les conclusions de la requête de MM. Stelio Farandjis et Philippe Farine tendant à la rectification des résultats et à la proclamation de l'élection de M. Stelio Farandjis, aux lieu et place de M. Pierre de Benouville :

2. Considérant que, contrairement aux allégations des requérants, il ressort des procès-verbaux que le nombre de votes émis par procuration a été de 1 341 et non de 1 477 ; que, si les requérants prétendent que vingt-quatre procurations auraient été établies dans des conditions irrégulières, sans même indiquer dans quels bureaux de vote ces procurations auraient été utilisées, ce grief n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

3. Considérant que, si MM. Stelio Farandjis et Philippe Farine soutiennent que des bulletins au nom de M. Pierre de Benouville portaient des signes de reconnaissance et devaient être déclarés nuls, ce grief n'est assorti d'aucune précision ni d'aucun commencement de preuve ;

4. Considérant que les requérants font valoir que le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans les urnes est supérieur au nombre des émargements ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le juge de l'élection, d'opérer les redressements nécessaires en retenant, pour chaque bureau de vote, le moins élevé des deux nombres et en diminuant corrélativement le nombre des votants, celui des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé ; qu'il ressort de l'examen des procès-verbaux que le nombre de voix obtenues par M Pierre de Benouville doit être réduit d'un total de sept pour les bureaux n° 35, 37, 42, 54 et 56, où ce candidat est arrivé en tête, et que le nombre de voix obtenues par M. Stelio Farandjis, arrivé en tête dans les bureaux n° 40 et 58, doit, au total, être diminué de trois unités ; que, par contre, il n'y a pas lieu de rectifier les résultats du bureau de vote n° 50, où M. Stelio Farandjis est arrivé en tête à raison de l'excédent d'une unité du nombre des émargements par rapport au nombre des enveloppes trouvées dans l'urne, dès lors qu'il n'est pas allégué que, dans le décompte des enveloppes, l'une d'elles aurait été émise ; qu'après rectification du nombre de voix obtenues par chacun des candidats, M. Pierre de Benouville conserve 12855 voix et M. Stelio Farandjis 12805 voix, soit un écart de 50 voix ;

5. Considérant enfin que, dans les 35è et 52è bureaux, deux bulletins au nom de M. Stelio Farandjis ont été à tort déclarés nuls ; qu'il y a lieu d'ajouter deux unités au nombre des résultats exprimés et à celui des voix recueillies par M. Stelio Farandjis, ce qui porte ce dernier nombre, précédemment rectifié, de 12 805 à 12 807 ;

6. Mais considérant que M. Pierre de Benouville, avec 12855 suffrages, conserve une majorité de 48 voix ; que, dès lors, les conclusions de M. Stelio Farandjis tendant à la proclamation de son élection ne peuvent, en tout état de cause, être accueillies ;

Sur les conclusions dès requêtes de MM. Stelio Farandjis et Philippe Farine et de M. Christian Tremblay tendant à l'annulation de l'élection de M. Pierre de Benouville :

7. Considérant que M. Christian Tremblay, candidat au premier tour du Rassemblement démocrate pour le progrès « avec Michel Jobert », avait invité ses électeurs à reporter leurs suffrages au second tour sur M. Stelio Farandjis candidat du parti socialiste ; que, dans la nuit précédant l'élection, a été apposée aux abords immédiats et parfois à l'entrée même de la quasi-totalité des bureaux de vote de la circonscription une affiche intitulée « Aux amis de Michel Jobert » qui indiquait qu' « en se mélangeant au vote des socialistes [leurs] voix seraient détournées de leur fin véritable et Michel Jobert de la mission qu'il s'est donnée au-dessus des partis » et ajoutait que M. Pierre de Benouville était « le candidat le plus qualifié pour représenter leur tendance particulière » ; que l'apposition de cette affiche qui introduisait, après la clôture de la campagne électorale, un élément de confusion et de polémique a pu, quel qu'en fut l'auteur, influencer un nombre suffisant d'électeurs pour modifier le résultat de l'élection ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui des conclusions précitées, que MM. Stelio Farandjis, Philippe Farine et Christian Tremblay sont fondés à demander l'annulation de l'élection contestée ;

Décide :
Article premier :
L'élection de M. Pierre de Benouville en qualité de député à l'Assemblée nationale, le 21 juin 1981, dans la 12 ° circonscription de Paris, est annulée.
Article 2 :
Les conclusions de la requête de MM. Stelio Farandjis et Philippe Farine tendant à la proclamation de M. Stelio Farandjis, sont rejetées.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 décembre 1981, où siégeaient : MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, LECOURT, BROUILLET, VEDEL, SEGALAT, PÉRETTI.

Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310
Recueil, p. 222
ECLI : FR : CC : 1981 : 81.948.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.1. Affiches
  • 8.3.3.1.7. Contenu des affiches

Affiches apposées dans la nuit précédant le second tour de scrutin, aux abords immédiats et parfois à l'entrée même de la quasi-totalité des bureaux de vote, d'une affiche se présentant comme un " appel " aux " amis " d'un homme politique animant un mouvement dont le candidat au premier tour s'était désisté en faveur du requérant, les invitant à se prononcer pour le candidat proclamé élu " le plus qualifié pour représenter leur tendance particulière ". Cette affiche introduisant après la clôture de la campagne électorale un élément de confusion et de polémique a pu, quel qu'en fût l'auteur, influencer un nombre suffisant d'électeurs pour modifier le résultat du scrutin. Annulation de l'élection.

(81-948/953 AN, 03 décembre 1981, cons. 7, 8, Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.5. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne
  • 8.3.6.8.5.1. Jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988

Les requérants ayant invoqué que le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne est supérieur au nombre des émargements, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'opérer les redressements nécessaires en retenant, pour chaque bureau de vote, le moins élevé des deux nombres et en diminuant corrélativement le nombre des votants, celui des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé.

(81-948/953 AN, 03 décembre 1981, cons. 4, Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.7. Imputation des suffrages annulés
  • 8.3.6.8.7.1. Jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988

Deux bulletins déclarés nuls à tort. Rectification des résultats.

(81-948/953 AN, 03 décembre 1981, cons. 5, Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.12. Portée des griefs

Les requérants ayant invoqué que le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne est supérieur au nombre des émargements, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'opérer les redressements nécessaires en retenant, pour chaque bureau de vote, le moins élevé des deux nombres et en diminuant corrélativement le nombre des votants, celui des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé.

(81-948/953 AN, 03 décembre 1981, cons. 1, Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.1. Pouvoirs généraux d'instruction
  • 8.3.10.1.2. Jonction d'instance

Jonction de requêtes, plusieurs requêtes étant relatives à la même élection. Jurisprudence constante depuis 1959.

(81-948/953 AN, 03 décembre 1981, cons. 1, Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
  • 8.3.11.3.1. Annulation de certains votes
  • 8.3.11.3.1.3. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne : jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988

Les requérants ayant invoqué que le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne est supérieur au nombre des émargements, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'opérer les redressements nécessaires en retenant, pour chaque bureau de vote, le moins élevé des deux nombres et en diminuant corrélativement le nombre des votants, celui des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé.

(81-948/953 AN, 03 décembre 1981, cons. 4, Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
  • 8.3.11.3.3. Annulation de l'élection
  • 8.3.11.3.3.2. Propagande

Apposition dans la nuit précédant le second tour de scrutin, aux abords immédiats et parfois à l'entrée même de la quasi-totalité des bureaux de vote, d'une affiche se présentant comme un " appel " aux " amis " d'un homme politique animant un mouvement dont le candidat au premier tour s'était désisté en faveur du requérant, les invitant à se prononcer pour le candidat proclamé élu " le plus qualifié pour représenter leur tendance particulière ". Cette affiche introduisant après la clôture de la campagne électorale un élément de confusion et de polémique a pu, quel qu'en fût l'auteur, influencer un nombre suffisant d'électeurs pour modifier le résultat du scrutin. Annulation de l'élection.

(81-948/953 AN, 03 décembre 1981, cons. 7, Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310)
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