Communiqué

Décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022 - Communiqué de presse

Loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Conformité

Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution certaines dispositions de la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi

Par sa décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur des dispositions de la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, dont il avait été saisi par plus de soixante députés.

* Au nombre des dispositions contestées par les députés requérants, figurait l'article 1er de cette loi prévoyant que, par dérogation aux règles de droit commun, un décret en Conseil d'État détermine les mesures d'application des dispositions législatives relatives à l'assurance chômage pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 au plus tard.

Les auteurs du recours reprochaient notamment à ces dispositions de déroger aux règles de droit commun qui confient aux partenaires sociaux la compétence pour déterminer, par des accords paritaires, les mesures d'application du régime d'assurance chômage. Il en résultait selon eux une méconnaissance du principe de participation, garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que l'article 34 de la Constitution place dans le domaine de la loi les principes fondamentaux du droit du travail. Aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».

Il est loisible au législateur, dans le cadre des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, de renvoyer au décret, pris après une concertation appropriée, ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d'application des règles qu'il a fixées.

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève, en premier lieu, que le législateur a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer à un décret la détermination des mesures d'application des dispositions législatives relatives au régime d'assurance chômage.

En second lieu, il constate que les dispositions contestées prévoient que ce décret ne peut être pris qu'à la suite d'une concertation avec les organisations de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Par ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni le principe de participation.

* Étaient également contestées certaines dispositions de l'article 2 de la loi, prévoyant qu'un demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage lorsqu'il a refusé deux propositions de contrat à durée indéterminée.

Les députés requérants reprochaient à ces dispositions, notamment, de faire peser sur les demandeurs d'emploi une contrainte excessive en méconnaissance du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi… ». Aux termes de son onzième alinéa, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».

En des termes inédits, le Conseil constitutionnel juge que ces exigences constitutionnelles impliquent l'existence d'un régime d'indemnisation des travailleurs privés d'emploi.

Dans ce cadre, il relève, en premier lieu, que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu inciter les travailleurs privés d'emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l'embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d'intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.

En second lieu, d'une part, il résulte des dispositions contestées que le demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage uniquement lorsque, soit il a refusé à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat à durée déterminée, une proposition de contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, soit il a refusé, à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat de mission, un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail. En outre, le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage ne peut lui être refusé si, au cours de la même période de douze mois, il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

D'autre part, le demandeur d'emploi n'est pas privé de l'allocation d'assurance chômage si la dernière proposition de contrat à durée indéterminée qui lui a été adressée n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local.

De l'ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

* Les députés requérants contestaient également l'article 4 de la loi déférée, instituant une présomption de démission du salarié en cas d'abandon de poste.

L'une des critiques adressées par les auteurs du recours à ces dispositions était que, en assimilant l'abandon de poste à une démission, ces dispositions privaient du bénéfice du régime d'assurance chômage des personnes conduites à abandonner leur poste pour des motifs indépendants de leur volonté. Il en résultait, selon les requérants, une méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Le Conseil constitutionnel constate que, en prévoyant que le salarié qui a abandonné volontairement son poste est présumé avoir démissionné s'il ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur de justifier de son absence et de reprendre son poste dans un certain délai, les dispositions contestées peuvent avoir pour effet de priver ce salarié de son droit à l'allocation d'assurance des travailleurs privés d'emploi. Elles sont donc susceptibles de porter atteinte au droit d'obtenir un emploi, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux exigences constitutionnelles résultant, comme mentionné plus haut, de la combinaison des cinquième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
Toutefois, le Conseil relève, en premier lieu, d'une part, que les dispositions contestées ne s'appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste et qu'il ressort des travaux préparatoires que l'abandon de poste ne peut pas revêtir un caractère volontaire si, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est justifié par un motif légitime, tel que des raisons médicales, l'exercice du droit de grève, l'exercice du droit de retrait, le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail. D'autre part, le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu'après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d'un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d'État. Le Conseil rappelle, en second lieu, que la présomption de démission instituée par les dispositions contestées est une présomption simple, qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail. Le conseil de prud'hommes saisi d'une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Par l'ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

* Par la décision de ce jour, le Conseil constitutionnel a enfin déclaré conformes à la Constitution des dispositions des articles 10 et 11 de la loi déférée, portant réforme de la validation des acquis de l'expérience.