Communiqué

Décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017 - Communiqué de presse

Société EDI-TV [Taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision II]
Non conformité totale - effet différé

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 31 juillet 2017 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le a du 1 ° de l'article L. 115 7 du code du cinéma et de l'image animée, dans ses rédactions résultant de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 et de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

Le code du cinéma et de l'image animée a institué une taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision qui ont programmé, au cours de l'année précédant celle de la taxation, une ou plusieurs œuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles aux aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le a du 1 ° de l'article 115-7 de ce code prévoit que cette taxe est assise sur le montant des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage, non seulement aux éditeurs de services de télévision (les chaînes de télévision), mais aussi « aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage ».

La société requérante soutenait que ces dispositions méconnaissaient le principe d'égalité devant les charges publiques, au motif que la taxe à laquelle elles soumettent les éditeurs de services de télévision est en partie assise sur des sommes perçues par des tiers, les régisseurs de messages publicitaires et de parrainage. Cette taxe serait ainsi établie sans tenir compte des facultés contributives de ses redevables.

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle, en application des articles 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. Cette exigence implique notamment qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs.

En l'espèce, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées incluent dans l'assiette de la taxe dont sont redevables les éditeurs de services de télévision les sommes versées, par les annonceurs et les parrains, aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage, que ces éditeurs aient ou non disposé de ces sommes. Elles ont ainsi pour effet de soumettre un contribuable à une imposition dont l'assiette peut inclure des revenus dont il ne dispose pas. Comme il l'avait fait en contrôlant plusieurs dispositions similaires (par exemple dans ses décisions nos 2013-362 QPC du 6 février 2014 et 2016-620 QPC du 30 mars 2017), le Conseil constitutionnel en déduit que le législateur a méconnu les exigences résultant de l'article 13 de la Déclaration de 1789.

S'agissant de l'effet dans le temps de cette déclaration d'inconstitutionnalité, la société requérante appelait de ses vœux une censure à effet immédiat et le bénéfice de la censure pour les instances en cours. Au contraire, le CNC, partie en défense et bénéficiaire du produit de la taxe, rejoint dans ce raisonnement par le Premier ministre, faisait valoir que le remboursement intégral des sommes réclamées constituerait « un véritable effet d'aubaine » pour les éditeurs de services de télévision dans la mesure où le remboursement intégral des sommes qu'ils ont versées pour s'acquitter de la taxe « reviendrait à les »indemniser« d'une somme qui excèderait de façon excessive le montant de leur »préjudice" ». En effet, les éditeurs de services de télévision ont, en pratique, pu percevoir indirectement une fraction, plus ou moins importante selon les cas, des sommes versées aux régisseurs par les annonceurs et les parrains.

Le Conseil constitutionnel a tenu compte de ces différents éléments et, afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions contestées, a reporté au 1er juillet 2018 la date de prise d'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité. D'ici à ce que le législateur y remédie, s'il choisit d'intervenir, la taxe continuera donc à être prélevée en application des dispositions contestées. Afin, néanmoins, de préserver l'effet utile de sa décision à la solution des instances en cours ou à venir, le Conseil constitutionnel juge en outre qu'il appartient aux juridictions saisies de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er juillet 2018 dans les procédures en cours ou à venir dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles. Le législateur pourra alors, le cas échéant, prévoir l'application des nouvelles dispositions à ces instances.