Communiqué

Décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011 - Communiqué de presse

Mme Élise A. et autres [Garde à vue II]
Conformité - réserve

Le Conseil constitutionnel a été saisi les 23 août et 9 septembre 2011 par le Conseil d'État et la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61 1 de la Constitution, de questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions étaient relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62, 63 3-1, alinéa 3, 63-4, alinéa 2, 63-4-1 à 63-4-5 du code de procédure pénale (CPP).

Ces dispositions ont un double objet. D'une part, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, censurant plusieurs articles du CPP relatifs à la garde à vue, la loi du 14 avril 2011 a eu pour objet de remédier à cette inconstitutionnalité. À cette fin, ont notamment été insérés dans le code de procédure pénale les articles 63-3-1, 63-4, 63-4-1 à 63-4-5. D'autre part, il résulte de l'article 62 du CPP qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue par les enquêteurs en dehors du régime de la garde à vue dès lors qu'elle n'est pas maintenue à leur disposition sous la contrainte. Cette disposition permet ce qui est parfois dénommé « l'audition libre ».

Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les articles relatifs à la garde à vue et émis une réserve sur l'article 62 relative à l'audition libre pour en assurer la conformité à la Constitution.

I. - Les dispositions contestées du CPP relatives à la garde à vue sont conformes à la Constitution

Les requérants faisaient valoir que ces dispositions du CPP restreignaient l'assistance par un avocat de la personne gardée à vue. Ils dénonçaient notamment le fait que l'avocat de la personne gardée à vue ne peut consulter que certaines pièces, dont le procès-verbal de placement en garde à vue, et non l'ensemble du dossier.

Le Conseil constitutionnel a rappelé la nature de la garde à vue qui est une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judicaire. Comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 30 juillet 2010, les évolutions de la procédure pénale qui ont renforcé l'importance de la phase d'enquête policière dans la constitution des éléments sur le fondement desquels une personne mise en cause est jugée doivent être accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense. Mais les dispositions contestées du CPP n'ont pas pour objet de permettre la discussion de la légalité des actes d'enquête ou du bien-fondé des éléments de preuve rassemblés par les enquêteurs. Ces actes ou ces éléments ont vocation, le cas échéant, à être ultérieurement discutés devant les juridictions d'instruction ou de jugement. Elles n'ont pas davantage pour objet de permettre la discussion du bien-fondé de la mesure de garde à vue enfermée par la loi dans un délai de vingt-quatre heures renouvelable une fois. En conséquence, les griefs des requérants tirés de ce que les dispositions contestées relatives à la garde à vue n'assureraient pas l'équilibre des droits des parties et le caractère contradictoire de cette phase de la procédure pénale ont été rejetés comme inopérants.

Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, jugé que les dispositions contestées du CPP relatives à l'entretien de la personne gardée à vue avec son avocat assurent, entre le droit de cette personne à bénéficier de l'assistance d'un avocat et l'objectif de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée. Il en va de même des dispositions relatives à l'éventuel report de l'entretien entre cette personne et son avocat.

II. - L'article 62 du CPP relatif à « l'audition libre » a fait l'objet d'une réserve pour en assurer la conformité à la Constitution

Le second alinéa de l'article 62 permet « l'audition libre » d'une personne en dehors du régime de la garde à vue, c'est-à-dire sans son maintien à la disposition des enquêteurs sous le régime de la contrainte. Dès lors que la personne consent librement à être entendue, aucune exigence constitutionnelle n'impose qu'elle bénéficie de l'assistance effective d'un avocat.

Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il résulte du respect des droits de la défense qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne saurait être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie. Sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense.